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vrais érudits, M. Varin mit en ordre, en les analysant, ces reliques jansénistes. Vérification faite, il se trouva que la collection formée Robert Arnauld d’Andilly, conseiller d’état, puis solitaire à Port-Royal, et son fils, Simon Arnauld de Pomponne, ambassadeur et secrétaire d’état des affaires étrangères, embrassait, par les souvenirs de ceux qui l’avaient créée, le XVIIe siècle tout entier, car Arnauld d’Andilly, né en 1587, était mort en 1674, tandis que son fils, né en 1618, avait vécu jusqu’en 1699. M. Varin a eu la patience de confronter avec les pièces inédites qu’il avait découvertes tous les livres où il est question des personnages qui font le sujet de sa publication, de contrôler les affirmations officielles par les indiscrétions intimes, de rectifier l’histoire générale par les biographiés particulières, enfin de rechercher la vérité sur les individus comme sur la secte, et l’influence des doctrines religieuses sur la vie publique et privée de deux qui avaient embrassé ces doctrines.

Robert Arnauld d’Andilly, ses deux frères, dont l’un est le docteur Antoine, surnommé le grand Arnauld, ses quatre fils, ses deux petits fils la mère Angélique, la mère Agnès, Angélique de Saint-Jean et Charlotte de Pomponne, tels sont les personnages qui passent sous nos yeux dans cette correspondance inédite. Nous ne suivrons point M. Varin dans les détails multiples et parfois surabondans de son livre, attendu qu’il faudrait en quelque sorte refaire une histoire du jansénisme pour encadrer et lier entre eux les mille faits qui se trouvent dispersés soit dans les documens, soit dans le commentaire explicatif qui les accompagne. Nous nous arrêterons seulement à quelques épisodes, en commençant par celui qui se rattache aux relations d’Arnauld d’Andilly et du maréchal de Fabert. Il est curieux de voir ainsi en présence un soldat et un théologien, c’est-à-dire un homme d’action et un rêveur ; aucun autre fragment du livre de M. Varin ne montre plus clairement la supériorité du simple bon sens sur cette indiscrète vanité qui affirme sans comprendre, qui prouve sans jamais démontrer, vanité qui semble l’essence de l’esprit théologique, et trop souvent aussi de la philosophie, laquelle eut le tort grave de remplacer quelquefois l’amour de la sagesse par l’amour du syllogisme.

Après avoir étudié Arnauld d’Andilly dans sa vie mondaine et sa vie de courtisan, M. Varin l’étudie dans sa vie de solitaire et nous le montre à Port-Royal continuant jusque dans ses dernières années, avec une ardeur toute juvénile, cette propagande janséniste qu’il avait faite avec tant d’habileté à la cour de la reine-mère, lorsqu’il sollicitait l’honneur d’élever Louis XIV. Pour d’Andilly, avoir la grace efficace, c’était partager les doctrines de Port-Royal, c’était se retirer au désert. Aussi presse-t-il le maréchal, par des lettres nombreuses, des envois de livres, des allusions détournées, d’accomplir ce pieux dessein ; mais Fabert, qui était alors gouverneur de la principauté de Sedan, paraît