Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/712

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dont la constitution politique a été garantie par les puissances et dont la neutralité est le privilège. Je quittai Berne et la Suisse trois heures après avoir entendu l’étrange discours qui ouvrit la session de la diète, et la significative attitude de M. Ochsenbein ne m’est pas, depuis, sortie de l’esprit. Notre ambassadeur près la confédération, M. de Bois-le-Comte, MM. les ministres de Sardaigne et d’Espagne, M. le chargé d’affaires de Belgique, M. Peel, chargé d’affaires d’Angleterre et fils du célèbre ministre, assistaient à cette cérémonie. J’ignore ce qu’ils ont pensé du factum de M. Ochsenbein ; tout ce que je sais, c’est que les autres membres du corps diplomatique étaient restés à Zurich.

Dans le plan militaire des radicaux, Berne, comme état vorort, et ayant d’ailleurs une suprématie morale sur tout le parti révolutionnaire, serait chargé de l’opération principale contre Lucerne ; Zurich contiendrait Schwitz et Zug ; Genève et Vaud agiraient contre Fribourg. On reste en méfiance vis-à-vis des cantons mixtes ; on doute encore de Saint-Gall et de Soleure, quoique le prudent M. Munzinger ait imprimé dans son journal que la guerre était la seule solution possible.

Les cantons menacés ne sont, au surplus, nullement inquiets de l’avenir, et on les trouvera bien décidés à repousser la force par la force, si l’on ose procéder à l’exécution des décisions de la diète. M. de Salis-Soglio a parfaitement étudié les hommes et le terrain. Lucerne est tout prêt à se défendre, avec le concours des six autres cantons ligués. Un plan uniforme de défense a été adopté. Le conseil de guerre du Sonderbund s’est réuni dernièrement, pour cet effet, à Brunnen, dans le lieu où a été jurée l’alliance du 19 décembre 1315, au milieu des nobles souvenirs qui font la force et la gloire de ces petits cantons, à qui la confédération helvétique doit son origine, et dont l’indépendance est si injustement menacée.

Je ne crois pas cependant que la guerre, si elle doit malheureusement éclater, ait lieu avant les premiers jours d’automne. Les radicaux craindraient en ce moment de déranger les hommes occupés aux travaux de la terre. Ils ne veulent pas non plus effrayer les voyageurs, dont le départ précipité mettrait les aubergistes contre le mouvement. Les voyageurs procurent chaque année à la Suisse une grande partie de ses revenus : aussi leur montre-t-on partout beaucoup d’égards. Quant aux aubergistes, ils ont une puissance considérable, que tout le monde ménage et que les journalistes seuls, dans quelques villes, pourraient peut-être balancer.