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Cette alliance est-elle offensive ? En aucune manière. Les sept cantons du Sonderbund ne songent qu’à maintenir leurs droits propres et à régler librement leurs affaires intérieures sans que les autres cantons puissent s’y vouloir immiscer, sous prétexte de révision du pacte, ou par le motif que les jésuites de Lucerne et de Fribourg ne plaisent pas aux radicaux de Berne et de Vaud. Les douze états qui ont voté la dissolution me paraissent donc avoir outrepassé leurs pouvoirs ; ils ont, je ne crains pas de le dire, manqué d’égards envers la vieille origine suisse, et ils se sont mal souvenus du sang de leurs pères. L’ingérence que la diète s’attribue n’est pas un moment soutenable en droit ; on verra ce que les faits en décideront. Au surplus, il ne faut pas croire que l’action du principe catholique soit enfermée dans ce cercle ; elle s’est fortifiée en ces derniers temps dans la Suisse entière. A Argovie même et à Soleure, la direction seule manque ; c’est ce dont M. Munzinger ne doute pas, j’en suis sûr, et c’est pour cela même qu’il ménage avec tant de soin Mgr. Salzman, si bon, si évangélique, mais si inquiet aux moindres luttes et d’un cœur si simple.

En face du parti catholique et cantonal s’agite tumultueusement le parti radical et révolutionnaire qui a emporté les dernières décisions de la diète. La pensée fondamentale de ce parti est la création d’une Suisse unitaire ; c’est pour atteindre ce but qu’il demande la dissolution du Sonderbund, l’expulsion des jésuites et la révision du pacte fédéral. Je ne comprends pas, je l’avoue, comment des états très attachés à l’indépendance cantonale, comme le Tessin et les Grisons, ont pu prêter les mains à ce qui s’est fait dans ce sens.

Les actes du radicalisme en Suisse sont trop connus et trop récens pour qu’il soit nécessaire de les rappeler. Qui ne sait ce qui a eu lieu à Berne, à Genève et dans le canton de Vaud ? Les magistrats, les prêtres, les ministres protestans, les professeurs des écoles, chassés par les perturbateurs et poursuivis de coups et de pierres ; les propriétés dévastées, incendiées, au milieu de chants impies et de cris obscènes et furieux ; toute une multitude soutenant son emportement grossier par une ivresse physique que rien ne pouvait plus ni éteindre, ni assouvir ; puis, après le triomphe, ces constitutions démagogiques, ces lois insensées qui, en religion, tyrannisent les consciences, et qui, en politique, admettent les hommes de domesticité et jusqu’aux repris de justice à la dignité du droit électoral : voilà ce que la Suisse a vu dans plusieurs cantons. Voilà les scènes odieuses qu’ont déplorées amèrement tous les hommes de bien. Demandez à M. Neuhauss, à M. Druey, ce qu’ils en pensent eux-mêmes au fond du cœur. Mais comment s’étonner de ces actes et de ces lois ? Fallait-il attendre autre chose des principes désastreux qu’on avait invoqués et des changemens qu’on avait voulus ? Vous connaîtrez l’arbre par ses fruits, a dit la sagesse suprême.