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porter leurs doléances à la princesse. Ébloui de sa beauté, touché de ses malheurs, indigné des trahisons qui l’entourent, Valence se dévoue, corps et ame, à la duchesse abandonnée. Il l’éclaire sur ses droits, il dirige ses démarches, il plaide sa cause, il soulèverait au besoin, pour elle, les bourgeois de Clèves, qui entreraient en campagne commandés par ce jeune et valeureux avocat. Son dévouement inattendu lui vaut la confiance entière, puis la reconnaissance attendrie de sa noble protégée. Ces deux sentimens font en elle de si rapides progrès, que, lorsque Berthold, ébranlé par les raisonnemens de Valence et séduit par la beauté de Colombe, se montre disposé à transiger, à l’aide d’un bon mariage, sur les droits respectifs que sa cousine et lui pourraient faire valoir, cet expédient si naturel révolte la princesse, comme un acte de monstrueuse ingratitude. Elle hésite cependant entre les deux rivaux, l’un qui semble lui faire grace en l’épousant, l’autre qui brûle silencieusement pour elle d’une flamme pure et discrète ; mais tous les cœurs sensibles ont déjà pressenti son choix. L’amour désintéressé l’emporte sur les calculs ambitieux. Colombe, qui, pour son anniversaire, doit un présent à chacun de ses amis, fait à Valence le plus beau de tous elle se donne elle-même à lui, laissant à Berthold la tranquille possession de son beau duché.

C’est presque au hasard, et de souvenir, que nous comparions les drames de fantaisie aux comédies héroïques d’autrefois. En y songeant mieux, il nous revient à la mémoire une scène des Amans magnifiques tout-à-fait semblable à celle où Valence porte à la princesse les propositions conjugales du duc Berthold. C’est la scène où le général Sostrate, chargé par le prince Iphicrate et le prince Démoclès d’expliquer leurs vœux à la princesse Ériphile, dont il est lui-même épris, remplit, à son grand ennui, cette délicate mission. Les curieux peuvent la relire et comparer[1].

Ni le Return o f the Druses ni Luria ne sauraient être pour nous l’objet d’une étude approfondie. Dans la première de ces tragédies, Browning a mis en scène un imposteur qui se fait passer pour prophète, afin de soulever une colonie druse, établie dans une des îles Sporades, contre les chevaliers hospitaliers de Saint-Jean. L’héroïne de la pièce est une jeune vierge du Liban, partagée entre le retour affectueux qu’elle accorde à l’amour d’un des chevaliers chrétiens et l’éblouissante perspective d’épouser un homme investi par le ciel même d’un caractère sacré. Ce conflit de passions donne lieu à une scène dont l’idée est assez belle. Anael, la jeune enthousiaste fanatisée par les exhortations de Djabal, le faux prophète, a pénétré dans l’appartement du préfet des hospitaliers,

  1. Colombe’s Birthday, act. IV, sc. IV. — Les Amans magnifiques, act. II, sc.IVv, et act. IV, sc. VII.