Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/570

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avant lui. Tout le reste n’est rien ; il accepte l’inconséquence de sa position, la responsabilité la plus grave qui puisse échoir à un gouvernement ; il vit grace à l’incertitude qui règne dans tous les esprits ; il se contente d’une existence hasardeuse qui se traîne à travers des épisodes d’antichambre et se poursuit d’équivoque en équivoque. La presse s’est emparée de cette question brûlante ; le pays tout entier commence à s’inquiéter, à s’agiter, et cette émotion légitime, naturelle, favorise toutes les entreprises du parti carliste. Le cabinet, lui, se borne à attendre sans rien faire. Il ne fait rien, disons-nous avec raison, car la première, l’indispensable mesure qu’il aurait à prendre, ce serait de convoquer les chambres et de confier à la représentation nationale le soin de prendre quelque résolution mûrie, vigoureuse et salutaire, sur une question qui est arrivée à un tel degré de publicité, que la retirer du domaine de la discussion légale, c’est la livrer aux chances de l’insurrection, qui peut éclater d’un jour à l’autre. Triste situation sur laquelle nous ne pourrons nous empêcher de revenir ! Triste pays où la royauté se manque à elle-même, et où les conseillers sévères et dignes manquent à la royauté !

Cette crise intérieure de l’Espagne deviendra plus grave encore, si le ministère anglais a, comme il l’espère, avec le nouveau parlement, une plus grande liberté d’allure dans sa politique étrangère. Les élections auxquelles l’Angleterre procède en ce moment ne semblent que trop assurer à lord Palmerston une majorité et une force qui lui permettront de donner l’essor à son humeur entreprenante. Du reste, les observateurs les plus clairvoyans sont déroutés dans leur attente ; cette année, les élections générales se font en Angleterre sans une idée, sans un cri de ralliement qui agite tout le pays, sans ces grandes luttes entre les deux partis qui s’étaient partagé le pouvoir. C’est que, depuis nombre d’années, des changemens profonds se sont opérés dans la vie politique de l’Angleterre. Aux traditions aristocratiques a succédé la prépondérance des classes moyennes l’industrie et les intérêts commerciaux voient augmenter tous les jours le nombre de leurs représentans dans la chambre des communes ; les hommes obscurs y abondent ; ils y arrivent avec un nom tout-à-fait inconnu, dont les membres de l’aristocratie sont obligés de s’informer. Pour nos voisins, c’est nouveau. Si l’on excepte la nomination de M. Lionel de Rothschild, qui est un hommage au principe de la liberté de conscience, et l’allocution de sir Robert Peel à ses électeurs, dans laquelle il a professé plus hautement que jamais une économie politique vraiment radicale, tout jusqu’ici s’est passé sans beaucoup d’éclat. Lord John Russell a été très sobre de développemens devant ses électeurs, et nous n’avons pas encore appris que lord Palmerston ait harangué les siens. Pour ce dernier, pour ses amis, le moment est décisif. Nous saurons dans quelques jours si le cabinet a devant lui un long avenir, sauf à le partager avec un ancien et illustre adversaire. L’acceptation du gouvernement général de l’Inde par lord Dalhousie, un des membres du cabinet que dirigeait sir Robert Peel, a fait croire à un rapprochement entre ce dernier et lord John Russell. Il ne faut pas se dissimuler que si, par les élections générales et par quelques combinaisons ministérielles qui en seraient la conséquence, le cabinet whig se fortifiait, il y aurait là pour le ministère du 29 octobre de nouvelles raisons de redoubler de vigilance. Ainsi de tous côtés le gouvernement peut sentir la nécessité d’imprimer à sa marche plus d’ensemble et plus d’énergie. C’est ce que doivent vive-