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sécurité toute locomotion sur les artères ferrées ou grands diamètres du monde. » On conviendra avec nous que ce singulier abus d’idées philosophiques méritait d’être signalé ; l’industrie elle-même a ses idéologues !

Au moment où l’attention générale est fixée sur les énormes dépenses qui menacent de retarder la construction de nos chemins de fer, il est indispensable de savoir si des considérations d’économie peuvent militer en faveur du système atmosphérique. Des opinions contradictoires ont été émises à cet égard. Ainsi M. Mallet, plaçant dans les mêmes circonstances les rail-ways desservis par des locomotives et ceux où on emploierait la propulsion pneumatique, concluait que, sous le rapport des frais d’établissement, les derniers présenteraient sur les premiers une économie de 70,000 francs par kilomètre, et que, dans le transport des voyageurs, cette économie serait au moins des deux cinquièmes. D’autre part, nous lisons dans le mémoire de M. Crelle : « Si la voie de Berlin à Potsdam (le premier rail-way exécuté en Prusse et dont M. Crelle a été l’ingénieur), au lieu d’être construite pour l’usage des locomotives, était construite dans le système atmosphérique, les frais de construction différeraient en plus de ceux qui ont été dépensés de 53,000 fr. par kilomètre, et les frais annuels d’exploitation et d’entretien de 20,000 fr. » Nous n’avons pas eu l’intention puérile de mettre en contradiction deux hommes distingués ; nous avons voulu montrer seulement combien, en pareille matière, l’analogie est trompeuse et la part que laissent de tels calculs à l’inconnu et à l’hypothèse. Les deux systèmes exigent des conditions toutes différentes de tracé, et il n’y aurait aucun avantage à établir le système atmosphérique sur les voies déjà faites ou sur celles en cours d’exécution. Nous avons dit l’élément que venait apporter, dans l’appréciation des frais de traction, le chemin de Saint-Germain ; nous ajouterons que la voie y a coûté le double d’un chemin à locomotives sur la partie où le tube a 0,38 de diamètre, et le quadruple sur celle où il a 0,63. Le chemin total est évalué en ce moment à 6,137,633 fr., c’est-à-dire que les frais dépassent de 4,137,633 fr. les sommes allouées par l’état et la ville de Saint-Germain. En résumé, nous croyons exprimer l’opinion de la grande majorité des ingénieurs en disant que, dans l’état actuel des choses, le système atmosphérique n’est pas financièrement applicable.


E. LAME FLEURY.