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augmentée par des tubes à fumée. Néanmoins la dépense en combustible est énorme ; elle atteint quatre tonnes de houille par jour, sur une ligne de 8,770 mètres, Ajoutons, pour faire apprécier ce chiffre, que le service complet des locomotives des deux chemins réunis de Versailles et de Saint-Germain, dont le parcours total est de 39 kilomètres, n’exige par jour que treize tonnes de coke. On voit que le système atmosphérique demande, d’une part, une circulation active, puisque les intermittences des machines fixes seraient plus rares, et, d’autre part, un terrain accidenté, seul cas où il soit préférable au système à vapeur proprement dit. La réunion de ces deux circonstances est presque impossible.

Au nombre des avantages des chemins pneumatiques, on range avec raison l’absence de la locomotive. Au point de vue de la sécurité, cet avantage est d’une grande importance, puisque la locomotive peut déterminer des accidens extrêmement graves. Hâtons-nous de dire cependant que les chances de ces terribles catastrophes, dont on garde encore le souvenir, diminuent chaque jour, et qu’elles seront presque nulles avec un chemin soigneusement établi, une exploitation bien dirigée et des employés régulièrement disciplinés. La suppression de la locomotive permettrait en outre de réduire la hauteur des voûtes de ponts, de diminuer ce qu’on appelle en langage technique le poids mort, puisque cette machine et le tender forment parfois à eux seuls le tiers ou même la moitié du poids du convoi, de diminuer enfin la force des rails qui n’auraient plus à supporter que les voitures à voyageurs et à marchandises : ce dernier avantage n’a point paru assez évident pour qu’on l’utilisât à Saint-Germain, où les rails ont le poids ordinaire de 30 kilogrammes par mètre courant. Sur une ligne atmosphérique, la rencontre de deux trains est impossible, puisqu’ils ne peuvent s’engager à la fois dans le même tube. Une pareille collision pourrait cependant arriver aux croisemens de voies ; mais cette question doit être réservée, ainsi que celle des passages à niveau, comme ne s’étant pas encore présentée et n’ayant conséquemment pas été étudiée. On a dit que le mode de liaison du tube propulseur au wagon directeur serait un obstacle au déraillement. Nous doutons fort, ayant vu le piston brisé en mille pièces, dans une expérience, pour avoir buté contre un obstacle, que ce mode de liaison soit toujours d’une réelle efficacité ; cependant il est évident qu’il permettrait de diminuer notablement le rayon des courbes actuellement en usage dans les rail-ways ordinaires, surtout si on ajoutait un contre-rail comme au chemin de Kingstown à Dalkey.

Avant de terminer l’énumération des avantages qu’auraient les voies pneumatiques, il est bon de rappeler la singulière opinion que nous trouvons consignée dans un écrit[1] où sont résumés les avis des ingénieurs anglais et français sur ce mode de locomotion : « Si, dans les arts et les lettres, dit M. Louis Millot, cité par M. Dubern, le sublime est la plus simple expression du beau, dans la viabilité, le sublime est la plus simple expression de la célérité et des moyens de circulation. La bulle d’air qui anime et met en équilibre tous les sens par son action et réaction de puissance de premier ordre doit assurer et perpétuer avec

  1. De l’application de l’air atmosphérique aux chemins de fer, par H.-A. Dubero. Chez Mathias, 1846.