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par un homme qui est à la fois un savant mathématicien et un habile ingénieur, méritent certainement qu’on les prenne en considération ; mais, avant de leur accorder une pleine confiance, nous devons attendre que la pratique sanctionne les résultats avantageux qu’annonce la théorie. L’essai du système de M. Crelle serait d’ailleurs peu coûteux, puisque tout chemin de fer pourrait servir aux expériences, et que la suppression de la cheminée et la substitution d’un réservoir d’air comprimé à la chaudière seraient, dans les idées actuelles de l’inventeur, les seuls changemens qu’il se proposerait de faire à la locomotive à vapeur pour la transformer en une locomotive aérodynamique.

Trois autres systèmes, pouvant servir à la locomotion par l’air comprimé, mais regardés par M. Crelle comme inférieurs à sa locomotive aérodynamique, sont décrits avec détail dans le mémoire de l’académicien de Berlin. Dans le premier de ces systèmes, la locomotive est conservée ; mais, au lieu de porter avec elle la provision d’air nécessaire pour faire le voyage, elle puiserait incessamment, par un mécanisme convenable, dans un tube placé au milieu de la voie, l’air qui y aurait été préalablement refoulé. Il nous serait moins facile de faire concevoir le moteur bizarre qu’a récemment proposé un ingénieur prussien, et nous devons nous aider d’une comparaison. Qu’on étende sur le sol, en l’attachant par l’une des extrémités, un câble sur lequel une roue peut cheminer verticalement ; qu’on vienne à soulever le câble par l’extrémité libre, on comprend que la roue sera poussée en avant. Qu’on imagine maintenant, au lieu du câble, un tuyau d’une matière molle, plat dans l’état normal, couché entre deux rails d’une voie de fer et sur lequel est placée une roue adaptée à un premier wagon, qui sera ici le remorqueur du train : si, à l’aide d’une machine pneumatique, on introduit, derrière la roue motrice, de l’air dans le tuyau, il se gonflera et mettra évidemment la roue en mouvement par un effet analogue à celui que produisait tout à l’heure le câble. Enfin M. Crelle étudie, avec cette conscience méthodique des Allemands, un système en tous points comparable au système atmosphérique proprement dit ; seulement ce n’est plus le vide fait devant le piston propulseur qui produirait la locomotion : l’impulsion serait donnée au contraire par l’air comprimé derrière ce piston, et le mouvement de la soupape longitudinale, organe essentiel des chemins atmosphériques, serait modifié.

L’idée primitive de la locomotion atmosphérique parait être due à Papin, à cet homme de génie qui indiqua aussi le premier le principe des machines à vapeur et à piston, et l’emploi de la vapeur dans la navigation. Le premier, il pensa que, si on venait à raréfier l’air sur l’une des faces d’un piston qui glisse dans un tube, l’excès de la pression qui continuerait à s’exercer intégralement sur l’autre face ferait mouvoir ce piston. Tel est, en effet, le principe bien simple du nouveau mode de locomotion que nous examinons : Medhurst, ingénieur danois, proposa, en 1810, de l’utiliser pour le transport des lettres et des marchandises. Un canal contenait à la fois le chemin de fer et les wagons qui devaient y circuler. Le mieux est l’ennemi du bien ; Vallance prétendit, en 1824, appliquer ce système au transport des voyageurs, et fit quelques expériences sur la route de Brighton avec un tuyau, provisoirement en bois, d’un diamètre intérieur de deux mètres. Nous n’avons pas besoin d’insister sur les inconvéniens qui firent rejeter cette singulière solution du problème. Medhurst n’accepta pas l’usage de ce tunnel d’un nouveau genre. Le tube, — de dimensions désormais