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comique de l’Espagne contemporaine, — talens plus faciles que profonds, il faut le dire, qui mettent souvent sur la voie d’idées excellentes plutôt qu’ils ne les expriment réellement, et ébauchent un sujet plutôt qu’ils ne l’épuisent. Si l’on veut comparer entre elles les qualités de Ventura de la Vega, de Breton de los Herreros et de Rubi, il est aisé de marquer d’un trait distinct la nature de chacun de ces écrivains. Il y a dans Vega une certaine correction et un tour de pensée qui rappellent Moratin ; il semble particulièrement s’appliquer à étudier un travers humain, à le développer avec logique, à rechercher l’intérêt qui résulte d’une combinaison exacte des passions. Peut-être est-il le poète espagnol aujourd’hui le plus propre à analyser et à décrire complètement un caractère. Breton de los Herreros met plus de variété dans ses esquisses. La subtile vivacité de son esprit fait qu’il se trouve encore à l’aise au milieu de la confusion d’une époque de transition. Nul, mieux que lui, ne sait surprendre le dernier reflet d’une coutume qui s’efface, ou saisir un ridicule nouveau dès qu’il apparaît. Il peint surtout les mœurs des classes intermédiaires ou inférieures. Le talent de Rubi a une distinction plus sérieuse, une élégance plus relevée. Il a cette libre aisance qui est nécessaire pour reproduire avec vérité la vie et les habitudes des classes supérieures, le monde des cours, où tout prend une couleur de dignité facile, où le vice lui-même a un vernis aimable. La comédie moderne de l’Espagne se montre ainsi sous ses principaux aspects dans les œuvres de ces écrivains. Dans celles de Breton, c’est la fantaisie vive et railleuse qui domine ; l’analyse morale fait l’intérêt de l’Homme du monde ; Rubi a tenté la comédie historique dans la Roue de la Fortune et la Cour de Charles II. Il serait juste d’ajouter à ces essais quelques études de mœurs politiques qui se sont produites au théâtre, et entre lesquelles on peut signaler l’Ambition., de M. Ramon Navarrete.

La pensée comique ne vient que de renaître au-delà des Pyrénées ; elle se dégage à peine de ce berceau brûlant d’une révolution, et on voit déjà quelles issues elle se crée, quelles formes elle tend à revêtir, quels stimulans elle peut rencontrer, quelles influences elle a à combattre. Il n’est pas sans intérêt de noter les signes de vie qu’elle donne, d’observer comment elle essaie peu à peu sa force. Certes, l’Espagne offre aujourd’hui un large champ à l’esprit comique : les ridicules ne sont point épuisés ; les passions perverses ne se sont point miraculeusement envolées du cœur des contemporains ; le venin du vice n’est pas émoussé ; la civilisation nouvelle ne fait que transformer les travers humains. « L’homme est au fond toujours le même, il change seulement de masque, dit un écrivain satirique que nous citions, M. Mesonero Romanos ; le courtisan du palais, qui autrefois flattait les rois, sert