Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre de guerrillas. Désormais il n’y a plus, pour ainsi dire, deux armées aux prises : il y a d’une part des troupes victorieuses qui s’avancent de ville en ville sans rencontrer sur leur route aucun obstacle sérieux[1] ; il y a de l’autre, un grand pays en dissolution, un gouvernement sans stabilité, sans influence, un général dont quelques brillans souvenirs faisaient toute la force, et qui a perdu ce dernier prestige.

Une nationalité qui s’éteint, un peuple qui succombe dans la défense de ses libertés, c’est toujours un douloureux spectacle. Certes, la nation mexicaine n’a pas montré, en présence du danger, les vertus auxquelles on reconnaît les grands peuples ; n’a-t-elle pour cela aucun droit à notre sympathie ? C’est aux chefs de cette nation surtout qu’il faut demander compte de la triste issue de la guerre. Placés à la tête d’une société qui attendait son salut d’une direction ferme et intelligente, qu’ont-ils fait des élémens de force qui leur étaient confiés ? Cinq généraux mexicains ont tenu entre leurs mains le sort de leur pays : Arista, dès le début de la guerre, à Matamoros, à Palo-Alto et à la Resaca ; Requena et Ampudia, à Monterey ; Santa-Anna, à Angostura et au Cerro-Gordo ; Morales, à Vera-Cruz. La disparition mystérieuse de ce dernier, son attitude pendant toute la durée du siège de VeraCruz, écartent de lui toute idée de lâcheté ou de trahison. La conduite équivoque d’Ampudia et de Requena à Matamoros, leur pusillanimité à Monterey, ne laissent rien à ajouter sur ces deux officiers. Restent donc Arista et Santa-Anna. Sur l’un et l’autre de ces généraux planent les soupçons les plus graves, qu’il n’est pas permis de passer sous silence, si on doit les accueillir avec réserve. Que penser, en effet, de la courte campagne dirigée par Arista, campagne si tristement signalée par le passage du gué de San-Rafaël, si tristement finie par les journées de

  1. Quelques indications rapides suffiront à préciser l’état actuel des opérations. La bataille du Cerro-Gordo avait eu lieu le 18 avril. Le 20, le drapeau américain flottait sur la ville de Jalapa, qui s’était rendue. Entre Jalapa et Puebla, le château-fort de Perote était le seul point qui fit prévoir quelque résistance. A l’approche des Américains, le pont-levis du château s’abaissa, et un seul officier vint rendre la place avec tout le cérémonial usité en pareil cas. Après y avoir laissé garnison, l’armée américaine, réduite à 6,000 hommes par la retraite de 4,000 volontaires dont l’engagement expirait, s’est portée sur Puebla, ville de 60,000 ames, habitée par une population fanatique et insoumise. Les 6,000 hommes de Scott sont entrés dans Puebla ; ils marchent sur Mexico. Taylor, de son côté, parti des provinces occidentales, se dirige vers la capitale pour faire sa jonction avec Scott. Quant à Santa-Anna, après avoir voulu s’enfermer dans la ville d’Orizaba avec 3,000 hommes, il paraît avoir songé un moment à organiser la guerre de guerrillas ; puis il est revenu se mettre à la tête d’environ 12,000 hommes, débris des armées mexicaines, réunis à San-Martin, petite ville à dix lieues de Puebla et à dix-huit de Mexico. Il s’est décidé enfin à rentrer dans cette capitale au milieu des huées de la même populace qui, quelques mois auparavant, le portait en triomphe. La démission de président et de général en chef qu’il a donnée à deux reprises a été deux fois refusée par le congrès.