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Les trois autres opérations confiées à Worth, à Shields, à Pillow, ne furent pas toutes conduites avec le même bonheur. Le général Worth, après avoir franchi à la tête de sa brigade les obstacles de terrain qui protégeaient la gauche de l’ennemi, somma de se rendre les défenseurs de la redoute élevée sur la hauteur voisine du Cerro-Gordo. Cette sommation coïncidant avec l’occupation de ce dernier cerro par Twiggs, le général Pinzon jugea prudent d’obtempérer à l’injonction de Worth. — Le général Shields, chargé d’emporter la batterie de Vega, fut accueilli par un feu meurtrier, et tomba lui-même à la tête de sa division. Sans la prise du Cerro-Gordo, qui décida Vega et les siens à déposer les armes, la perte des Américains eût été beaucoup plus considérable. — Enfin la brigade du général Pillow fut plus maltraitée encore que celle de Shields. Une batterie mexicaine, subitement démasquée, emporta presque tout un régiment. Après avoir battu en retraite, Pillow allait tenter une nouvelle attaque, quand le succès des trois autres opérations vint le dispenser de ce périlleux effort. Les Mexicains, vaincus sur tous les autres points, mirent bas les armes devant Pillow, comme devant Shields, Worth et Twiggs. Dès-lors la bataille était terminée, une victoire complète ouvrait aux Américains la route de Mexico.

Outre ce résultat capital, la journée du Cerro-Gordo livrait au général Scott six mille prisonniers, parmi lesquels les meilleurs officiers de l’armée mexicaine, une trentaine de pièces de canon de la fonderie royale de Séville, une somme de 22,000 piastres (910,000 francs) trouvée dans les bagages de Santa-Anna. Quant à Santa-Anna lui-même, on s’étonnera que nous n’ayons pas eu à le nommer dans le récit de cette chaude affaire. Il faut bien dire que Santa-Anna avait quitté le champ de bataille dès le commencement de l’action. Quant à Ampudia, son lieutenant, dès que la prise du Cerro-Gordo fut connue, on le vit s’élancer sur un vigoureux coureur dans la direction de Jalapa avec une telle rapidité, qu’il perdit son chapeau emporté par le vent. On se jeta, mais trop tard, à la poursuite de Santa-Anna. Les six mille prisonniers mexicains étaient un embarras plutôt qu’un avantage pour le général Scott. Ils furent relâchés sur parole, à l’exception du général Vega, qui sollicita comme une faveur la permission de rester prisonnier des Américains. Il se rappelait sans doute la disparition mystérieuse du général Morales après la défense de Vera-Cruz, et trouvait sa vie plus en sûreté sous la tente du général Scott que dans les murs de Mexico.

A partir de cette bataille, il faut renoncer à donner un aperçu détaillé d’opérations dont le dénoûment est trop prévu ; il faut se borner à préciser la position nouvelle faite par cette victoire au pays envahi comme à l’armée conquérante. Après la journée du Cerro-Gordo, la seule guerre encore possible entre les États-Unis et le Mexique est la