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par des canons. Sur les hauteurs qui font face aux trois cerros, Santa-Anna avait établi son quartier-général. Ce quartier, que l’escarpement des collines rendait presque imprenable, était protégé en outre par une palissade de troncs d’arbres. Derrière cette solide muraille, qui mettait l’infanterie mexicaine à l’abri des riflemen américains, on pouvait en toute sécurité nourrir un feu meurtrier contre les assaillans. Enfin, sur la route même, on avait ouvert une large tranchée qui interceptait le passage ; cinq pièces de canon et deux mille hommes, commandés par le général don Romulo Diaz de la Vega, défendaient cette tranchée. En un mot, douze mille hommes, postés tant sur les hauteurs que sur la route, attendaient là un nombre à peu près égal d’Américains. Cette fois les Mexicains ne pourraient plus invoquer le désavantage de la position comme une excuse à leur défaite. Des souvenirs faits pour enflammer leur courage s’attachaient d’ailleurs à ce cerro, près duquel Santa-Anna, jeune encore, avait mis en déroute un corps nombreux d’Espagnols et inauguré en quelque sorte sa carrière militaire. Sur les lieux déjà témoins d’une de ses victoires, Santa-Anna retrouvait tout son prestige aux yeux du soldat ; les Mexicains se rappelaient les premiers triomphes de leur général, ils oubliaient ses défaites récentes, ils oubliaient même que, par un choix de triste augure, Santa-Anna venait d’appeler Ampudia, l’homme qui avait signé la capitulation de Monterey, à remplir près de lui les fonctions de commandant en second.

Le 17 avril, dans l’après-midi, l’avant-garde américaine, sous les ordres du général Twiggs, arriva à l’entrée du redoutable défilé. L’arrière-garde, commandée par le général Scott, et qui n’était séparée de la tête de l’armée que par quelques heures de marche, fit diligence pour la rejoindre. Après avoir fait exécuter quelques reconnaissances, les généraux américains furent convaincus de l’inutilité de toute tentative pour tourner les cerros. Il fallait donc à tout prix emporter les positions mexicaines ; mais laquelle prendre d’abord ? Attaquer le camp établi sur la gauche de la route, c’était s’exposer à une destruction totale ; se tourner vers la droite, c’était s’offrir au feu du Cerro Gordo. Le général Scott prit un moyen terme ; il ordonna à ses troupes d’appuyer sur la gauche, sans attaquer le camp mexicain, et de façon à échapper au feu du cerro. Cette manœuvre fut dénoncée aux Mexicains par un déserteur américain, et le général Vega se mit en mesure de la déjouer. Le général Scott, voyant l’attitude que prenait Vega, comprit qu’il était nécessaire d’occuper un des cerros pour faciliter les mouvemens de son armée ; il lança la division du général Twiggs contre celle des hauteurs contiguës au Cerro-Gordo qui lui parut la moins bien défendue. Le colonel Harney, surnommé par ses compatriotes le Bayard américain, fut chargé de cette opération. A la tête d’un corps