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mouillés en rade purent voir bientôt ce parti, coupé dans ses communications, disparaître au loin sans pouvoir rentrer dans la ville.

Le 13, l’investissement de Vera-Cruz était complet. L’aile droite américaine s’était établie sur le côté sud, l’aile gauche sur le côté nord, à environ douze cents mètres des murs de la ville, si on doit appeler mur une simple muraille d’octroi à moitié enterrée, dans beaucoup d’endroits, sous le sable amoncelé par les vents du nord. Le général Scott commandait l’une des ailes, le général Worth commandait l’autre, et le commodore Perry l’escadre d’opérations.

Le 15, tout était préparé pour ouvrir le feu sur la ville et le château, quand un vent du nord s’éleva avec assez d’impétuosité pour retarder le commencement des hostilités. Les troupes américaines eurent, pendant trois jours, beaucoup à souffrir. Le vent du nord soulevait sur la plage des tourbillons d’un sable fin qui aveuglait les soldats. Ce ne fut que le 18, dans l’après-midi, que le vent s’apaisa, et que la tranchée fut ouverte la nuit à la lueur des torches. Le 19 au matin, les batteries de terre commencèrent la canonnade. Presque en même temps, les steamers Spitfire, Vixen, les schooners Bonita, Petrel, Reefer, Tampico, Falcon, sous les ordres du capitaine Tatnall, vinrent s’embosser près de la ville, et à un quart de mille du château de San-Juan d’Ulùa. Ainsi postés, ces bâtimens lancèrent toute la journée un feu de bombes assez actif contre Vera-Cruz et San-Juan d’Ulùa ; puis, à la nuit tombante, ils reprirent la position qu’ils avaient au matin. Le lendemain, la canonnade fut comme la veille nourrie à la fois par les batteries de terre et par l’escadre. Les hostilités continuèrent ainsi jusqu’au 22, sans que les canons du fort, mal servis et mal pointés, pussent endommager beaucoup la flottille américaine. Vera-Cruz, au contraire, souffrait beaucoup du bombardement ; la ville se trouvait prise, pour ainsi dire, entre deux feux. Le général Morales, gouverneur de la ville et du fort, menaçait les habitans et la garnison de faire tirer sur eux par la forteresse, au cas où ils prêteraient l’oreille aux sommations de l’ennemi. La ville de Vera-Cruz continuait donc à mériter d’assez mauvaise grace l’épithète d’héroïque que la nation lui avait jadis décernée.

Cependant, le 22, à deux heures, un officier américain, le capitaine Johnson, s’avança en parlementaire, un drapeau blanc à la main et suivi d’un trompette. Arrivé près de la muraille d’enceinte, il déploya son drapeau, et des officiers mexicains vinrent à sa rencontre. Le parlementaire américain remit à l’officier de service une lettre pour le gouverneur. En attendant le retour de cet officier, le capitaine Johnson étendit son drapeau sur le sable, il s’assit dessus, et invita les officiers ennemis à en faire autant. Une causerie amicale s’engagea, pendant laquelle le parlementaire essaya de pressentir l’accueil que réservait le général Morales à la lettre dont il était porteur. Un aveu confidentiel fait par un des officiers mexicains lui laissa peu d’espoir ;