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à quelques milles de Saltillo. Un mince filet d’eau saumâtre, précieux dans un pays si desséché, quelques habitations éparses, avaient motivé le choix de cet emplacement. Taylor ne comptait pas cependant attendre l’ennemi dans le camp d’Agua-Nueva. L’accès trop facile de cette position, ouverte de toutes parts, eût exposé son armée à soutenir l’attaque de Santa-Anna dans des conditions désavantageuses. Aux premières nouvelles de l’approche des Mexicains, Taylor leva son camp et alla l’établir dans la petite plaine d’Angostura, près d’une hacienda appelée Buena-Vista. Santa-Anna s’avançait après une longue et pénible marche à travers le désert du Cédral, pendant laquelle il avait eu à souffrir la soif et la faim. Fatalement forcé de marcher à l’ennemi sous peine de voir se débander son armée si laborieusement réunie, si coûteusement équipée, Santa-Anna, comptant du reste sur sa supériorité numérique et sur sa bonne étoile, se résolut à attaquer les Américains.

Taylor avait pris position entre deux montagnes qui dominent la plaine d’Angostura. Une étroite vallée traversée par une route sépare ces deux hauteurs. L’armée américaine avait à sa droite un profond ravin, à sa gauche la base d’une montagne. Une forte batterie défendait l’accès de la route qui longeait le ravin. Enfin devant le front américain s’étendait un terrain rocailleux, entrecoupé de ravines. Protégé ainsi de tous côtés, le nouveau campement de Taylor était presque inexpugnable. Un corps de cavalerie d’Arkansas et du Kentucky, une brigade de volontaires de l’Illinois et d’Indiana, les riflemen du Mississipi et les rôdeurs texiens composaient l’armée américaine, forte d’à peu près 7,000 hommes.

L’armée mexicaine fut signalée par les sentinelles avancées le 21 février au matin, et bientôt on la vit couvrir les collines qui bordaient la plaine du côté opposé au camp américain. Vues de loin, ces troupes, tourmentées par la faim et la soif, présentaient encore un assez brillant aspect. Les banderoles rouges des lanciers mexicains flottaient au vent, et la tenue presque fastueuse des cavaliers de Santa-Anna contrastait avec les uniformes usés et souillés des volontaires américains. Colonne par colonne, escadron par escadron, les Mexicains ne tardèrent pas à former une masse compacte devant l’ennemi, qui salua leur arrivée par des cris sauvages. La cavalerie et l’infanterie légère des Américains se replièrent d’abord sur le corps d’armée, tandis que les artilleurs mexicains, galopant dans la plaine, cherchaient un endroit convenable pour y établir leurs pièces. Malheureusement les inégalités du terrain ne les favorisaient pas, et ce ne fut que tardivement, dans l’après-midi du 21 février, qu’ils purent ouvrir leur feu. Les Américains dédaignèrent d’y répondre.

Santa-Anna s’était facilement rendu compte des avantages de la position de Taylor. Il ne fallait pas songer à attaquer la droite de l’armée américaine, défendue, comme nous l’avons dit, par un profond ravin ;