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dangers et les privations qui l’attendaient : la jeune femme fut sourde à toutes les exhortations, et demanda comme une faveur le poste le plus exposé. On la vit, sous son costume de capitaine, parcourir toute la ligne mexicaine, et chacun admira tant de bravoure unie à tant de jeunesse et de beauté. Malheureusement les mêmes bulletins qui constatent l’enrôlement de la jeune héroïne restent muets sur la part qu’elle prit dans la suite aux événemens de la guerre. Il ne fuit donné qu’un moment au Mexique de croire qu’il avait sa Jeanne d’Arc.

La citadelle de Monterey et le cerro la Mitra, appelé aussi cerro del Obispado viejo, commandent la ville. Des redoutes avaient été établies sur le cerro del Obispado, sur l’hacienda de la Teneria et sur le rincon del Diablo (coin du Diable), qui dominent la plaine. Le 19 septembre, au matin, la vallée de Monterey présentait un aspect pittoresque. L’armée américaine, forte de sept mille hommes, avait pris position dans le bois de Santo-Domingo, à une lieue et demie de la ville ; on pouvait pressentir une attaque prochaine. Trois cents chariots de settlers environ formaient à l’avant de la forêt un retranchement redoutable. Le vent agitait à la lisière du bois les toiles blanches dont ces chariots, uniformément peints en bleu, étaient en partie couverts. Ce retranchement et des troupes de mules, au nombre de quatorze ou quinze cents, parquées près des chariots, indiquaient seuls la présence de l’ennemi. Sur quelques drapeaux qui ornaient le front de bandière, on pouvait lire cette fière devise : Jusqu’au palais de Montezuma ! Des télégraphes, établis sur les hauteurs de la citadelle et du cerro del Obispado viejo, se transmettaient à chaque instant des signaux d’alarmes. Du reste, tout était encore silencieux dans la plaine.

Peu à peu la scène s’anima. Des guerrilleros, qu’à leur pittoresque costume, à la légèreté de leurs chevaux, aux cris qu’ils poussaient en agitant leurs lazos, on reconnaissait pour mexicains, galopèrent jusqu’à la lisière du bois de Santo-Domingo, ou s’éparpillèrent dans la plaine, provoquant un ennemi encore invisible. C’étaient les corps de cavalerie auxiliaire de l’armée d’Ampudia, corps aussi ardens qu’indisciplinés. La cavalerie régulière restait dans ses quartiers à Monterey. L’ennemi aurait paru complètement sourd aux provocations, si de temps à autre une détonation n’eût répondu aux cris de défi. Presque toujours alors des cavaliers mexicains désarçonnés roulaient dans le sable, car le tirailleur américain, avec sa merveilleuse sûreté de coup d’œil, ne choisit jamais en vain ses victimes. Enfin des ingénieurs sortirent du bois, escortés par un détachement de dragons. Pour la première fois, depuis la matinée, le canon gronda : c’était celui de la citadelle. Les boulets commencèrent à labourer la plaine ; les guerrilleros s’élancèrent de nouveau. Un engagement partiel eut lieu entre les cavaliers mexicains et les dragons américains. Au bout de quelques minutes,