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américaine n’avaient-ils encore que médiocrement réussi, quand une révolution qui éclata à Mexico vint servir plus efficacement les projets de l’Union en donnant l’anarchie pour auxiliaire à ses soldats.

Les tendances monarchiques du président Paredes étaient généralement connues. La partie éclairée de la nation, celle qui voulait réellement le bonheur du pays, appuyait ces tendances, car elle voyait dans une monarchie le seul moyen de fermer les plaies toujours vives que vingt-cinq ans de révolutions avaient ouvertes et entretenues dans le corps social au Mexique. Plus que jamais, d’ailleurs, on sentait le besoin de fortifier le gouvernement, menacé de nouveau par des ambitions subalternes. Inattaquable dans les déserts du sud, le général Alvarez s’était d’abord posé comme le seul champion de la cause démocratique. Des hordes de bandits, dans les environs d’Acapulco, avaient commis au nom des principes proclamés par Alvarez des horreurs sans exemple encore, même au Mexique[1]. L’état de Jalisco suivit bientôt le triste exemple que lui donnait celui d’Acapulco. Une poignée de factieux se prononça dans les premiers jours de juillet contre Paredes. Confondant le clergé et les monarchistes dans une égale haine, les prononcés s’emparèrent violemment des églises et des couvens, dans lesquels ils tinrent garnison. Les couvens de femmes même ne furent pas respectés. Dans celui de Santa-Teresa, pris par escalade, on eut le singulier spectacle d’une orgie militaire sur les terrasses et d’une scène de désolation au rez-de-chaussée. Bientôt les prisonniers firent à leur tour retentir les cachots de protestations républicaines et patriotiques. A Guadalajara, capitale de l’état de Jalisco, des officiers complaisans délivrèrent les détenus, on alla même jusqu’à les enrôler ; mais, une fois que ces misérables eurent des armes, ils désertèrent, et ce fut un fléau de plus pour les habitans que ces bandes d’assassins déchaînés sur les grandes routes.

L’armée de réserve prête à marcher de Mexico contre les Américains, sous les ordres de Paredes, se trouvait impuissante à réprimer ces excès, scandaleux. D’ailleurs, pour avoir raison de l’anarchie au dedans, il était nécessaire de repousser d’abord l’ennemi extérieur. Paredes quitta donc Mexico à la tête de sa division, pour aller prendre le commandement des troupes réunies à San-Luis, Linares, Saltillo et Monterey. Sa présence à Mexico avait jusqu’alors contenu les dispositions hostiles du parti démocratique ; mais à peine était-il à quelques lieues de Mexico,

  1. Parmi les crimes commis par les bandes de Faustino Villalva et de Miguel Salgado, les plus atroces sont les affreux supplices infligés à deux malheureux qui, saisis par les brigands, furent d’abord victimes d’une mutilation sans nom, puis pendus par les pieds. Dans cet état, on leur arracha la peau depuis la gorge jusqu’aux mâchoires, puis on leur trancha la tête. On peut consulter à ce sujet le Diario del gobierno de la republica mexicana, journal officiel du gouvernement mexicain, 2 août 1846.