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du 2 juillet, que, si on abolissait en Suisse les bases constitutives de la confédération malgré les résistances d’un ou plusieurs cantons, une pareille abolition ne serait pas l’acte d’un peuple modifiant librement ses institutions ; ce serait plutôt l’asservissement d’états indépendans contraints de passer sous le joug d’états plus puissans. Cette dépêche du 2 juillet, communiquée par M. de Bois-le-Comte à M. Ochsenbein, a produit sur ce dernier une impression fort vive. M. Ochsenbein la communiqua sur-le-champ aux meneurs radicaux ; ceux-ci décidèrent que M. Ochsenbein garderait la dépêche pour lui, et que, s’il était interpellé sur ce point, la majorité radicale approuverait sa conduite. C’est ainsi que les chefs du parti radical n’ont pas craint de manquer au principe qui veut que toutes les communications que l’état vorort reçoit des puissances étrangères soient immédiatement portées à la connaissance des états confédérés, surtout quand la diète est réunie. Les radicaux redoutaient l’effet que devait produire la publicité de la dépêche ; aussi recommandèrent-ils à leurs journaux de garder sur ce sujet le plus profond silence. On nous mande de Berne que, si la dépêche du 2 juillet a été connue, c’est qu’elle a été communiquée par M. de Bois-le-Comte tant aux membres du corps diplomatique qu’à des députés de la diète. Cependant, à la faveur de cette demi-notoriété, les bruits les plus erronés ont circulé : on a prétendu que la dépêche annonçait l’intervention. Il n’en est rien. Nous désirons vivement que le gouvernement français se maintienne dans cette ligne de modération envers la Suisse ; nous voudrions aussi que les chefs du parti radical prissent en considération la situation délicate et difficile de leur pays. Il ne suffit pas de proclamer bien haut l’indépendance de la Suisse ; il ne faut pas la compromettre par d’imprudentes exagérations. Qu’ils n’oublient pas combien d’interprétations diverses l’acte du congrès de Vienne peut recevoir, tant en Suisse que de la part des puissances. Est-il de l’intérêt de la Suisse d’aborder témérairement des questions qui sont entendues diversement, et sur lesquelles les puissances signataires de l’acte de Vienne peuvent réclamer un droit d’examen ?

L’Italie se préoccupe de plus en plus de l’œuvre réformatrice entreprise par Pie IX, et Rome vient de traverser des jours de crise. Depuis le motu proprio du 14 juin, par lequel le pape instituait un conseil des ministres, l’opposition du parti rétrograde s’est montrée plus à découvert et s’est assez enhardie pour contrarier ouvertement les intentions et les projets de Pie IX. C’est cette opposition, on n’en a pas douté à Rome, quia arraché au cardinal Gizzi sa circulaire ambiguë du 22 juin, dans laquelle non-seulement le gouvernement pontifical désapprouvait les démonstrations tumultueuses de Pise et de Livourne à l’anniversaire de l’exaltation de Pie IX, mais où il semblait laisser percer l’intention de revenir sur ses pas et de retirer certaines concessions. C’est alors que le mécontentement publie éclata : on disait tout haut que le pape n’avait rien changé que le chef de l’administration, que, s’il avait remplacé le cardinal Lambruschini par le cardinal Gizzi, la segretaria di stato était restée composée des mêmes personnes, monsign. Santucci, MM. Sabattuci, Alessandroni, et d’autres qui, repoussés par l’opinion, avaient néanmoins gardé leurs places. Au milieu de l’effervescence générale, des rassemblemens se formaient et parcouraient les rues en criant : Viva Pio nono solo ! C’est le mot de ralliement du peuple romain, qui sépare le pape du reste de son gouvernement. Le 29 juin, il y avait fête à Saint-Pierre, et le peuple avait projeté d’arrêter les