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facile qu’on pourrait le croire, quand on n’est pas entré dans tous les détails des dépenses publiques, de retrancher quoi que ce soit sur ce chiffre, si énorme en apparence, de 1,500 millions, et qui est en réalité au-dessous des besoins du pays. La commission du budget, composée par exception cette année de dix-huit membres au lieu de neuf, a travaillé, pendant cinq mois entiers, avec un soin scrupuleux que tout le monde reconnaît et apprécie : elle a examiné une à une ces allocations si diverses et si multiples, qui ont pour but de satisfaire aux exigences tous les jours croissantes des services publics, et de cet immense travail il n’est sorti qu’une réduction de quelques millions sur le budget ordinaire, et une opération de simple report sur le budget extraordinaire. L’opposition elle-même renonce à aller au-delà, et ses observations ont porté en général beaucoup plus sur la marche des administrations particulières que sur les crédits qui leur sont alloués. C’est reconnaître implicitement que tous ces crédits sont suffisamment justifiés, et qu’il ne s’agit que de les bien dépenser.

Il est même à remarquer que, dans plusieurs occasions, la chambre, de l’aveu et quelquefois sur la provocation de l’opposition, a rétabli au budget des augmentations de crédit demandées par les ministres et supprimées par la commission du budget. Ces votes prouvent que les alarmes répandues au commencement de la session sur notre situation financière se sont singulièrement atténuées devant une étude plus approfondie des faits. Les finances de la France sont en ce moment embarrassées par l’entreprise des chemins de fer, mais il s’en faut bien qu’il y ait lieu de concevoir les inquiétudes qui ont été propagées par la malveillance. Il importe, en effet, de ne pas confondre ce que le pays dépense pour ses besoins ordinaires et ce qu’il avance extraordinairement, depuis quelques années, pour les travaux publics qui doivent l’enrichir. Ses dépenses ordinaires sont couvertes par ses recettes ordinaires et au-delà, car dans ses dépenses ordinaires sont comprises les sommes qu’il consacre annuellement à l’amortissement de ses anciennes dettes, et qui dépassent aujourd’hui 100 millions. Or, l’amortissement n’est pas une dépense ; c’est une épargne, un capital qui se reforme, et non un revenu qui se consomme.

Reste le budget extraordinaire. Celui-là est bien un excédant de dépenses, mais de dépenses productives, et qui ne devraient être considérées que comme un placement. L’état emploie annuellement, depuis 1840, environ 150 à 160 millions en travaux publics extraordinaires. Cette somme, il faut le reconnaître, est prise en dehors des recettes et ne peut être demandée qu’à l’emprunt, sous quelque forme que l’emprunt se produise, soit qu’on ait recours à une consolidation des réserves de l’amortissement, soit qu’on augmente le chiffre de la dette flottante, soit enfin qu’on en appelle à une nouvelle émission de rentes sur le grand livre. Ces trois formes de l’emprunt ont été employées avec succès depuis 1840. Elles seront mises encore en jeu toutes trois pour terminer l’œuvre que le pays s’est imposée. Deux à la rigueur auraient pu suffire. On peut évaluer environ à un milliard les travaux qui restent à effectuer en exécution des lois du 25 juin 1841 et du 11 juin 1842 ; ces travaux seront répartis sur six années au moins, c’est-à-dire qu’ils ne seront terminés que vers 1853. Si l’on n’avait consacré à les payer que les réserves de l’amortissement, ces réserves auraient été absorbées jusqu’en 1857 ; c’eût été beaucoup sans doute qu’une telle anticipation, mais enfin elle n’avait rien que de possible et qui ne pût être envisagé sans effroi, En atten-