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nous nommerions la religion du devoir. Les attaques dirigées contre l’administration ont été vives et retentissantes. Pourquoi le pouvoir ne ferait-il pas, par quelques circulaires, un usage judicieux et opportun de la publicité pour éclairer l’opinion sur des points où elle a pu être égarée, pour témoigner de sa propre sollicitude à maintenir au-dessus de tout soupçon l’intégrité de l’administration française ? À notre époque, il ne suffit pas que le pouvoir accomplisse le bien ; il faut qu’il le dise et le prouve ; agir autrement, ce serait se condamner à l’infériorité envers les partis, qui ne se font pas faute d’enfler la voix-, et de se vanter même des mérites qu’ils n’ont pas.

Répondre par une activité prévoyante à la difficulté des circonstances, préparer un ensemble de mesures qui puissent, l’hiver prochain ; occuper et satisfaire les chambres, voilà ce que recommandent au cabinet ses meilleurs amis, au risque d’éveiller quelques susceptibilités et de paraître un moment donner des armes à certains adversaires. Ces petits inconvéniens disparaissent, à notre avis, devant l’immense avantage qu’il y a toujours à conseiller le pouvoir avec franchise, à lui montrer le but qu’il doit atteindre, à lui indiquer ce que le pays attend de lui. Il y a plus : cette publicité loyale de la critique peut seule donner du prix, de l’autorité à l’approbation. De nos jours, l’impartialité qui s’exprime sans pusillanimité comme sans outrecuidance a seule du crédit.

Il sera d’autant plus nécessaire au gouvernement de prouver par ses travaux, par ses actes, qu’il a une pensée de progrès, des intentions de sage réforme dans tout ce qui tient à notre organisation administrative et financière, que sur deux questions politiques il a pris l’attitude de la résistance et de l’immobilité. L’opposition vient, par une manifestation récente, de lever le drapeau de la réforme électorale et parlementaire. Voilà désormais son mot de ralliement. L’opposition paraît invoquer aujourd’hui la réforme, comme sous la restauration elle criait : Vive la charte ! L’opposition soutient aussi que rien ne ressemble plus à 1827 que 1847, et qu’à vingt ans de distance nous sommes dans une situation qui reproduit les mêmes dangers et les mêmes devoirs. Ce point de vue rétrospectif nous semble plus ingénieux qu’exact ; toutefois il mérite quelque attention. Si nous sommes dans une position analogue à 1827, la France a devant elle un nouveau ministère Villèle, auquel elle doit vouloir substituer un autre cabinet Martignac. La conséquence est rigoureuse. Nous n’aurons pas la simplicité d’énumérer en détail toutes les différences qui distinguent les deux époques : l’opposition les connaît aussi bien que nous ; mais elle a pensé qu’il était habile, et sur ce point elle ne s’est pas trompée, de lancer dans la polémique une analogie spécieuse. En rapprochant l’adresse de cette tactique de tous les symptômes, de toutes les difficultés politiques que nous avons signalés, nous trouvons, pour le gouvernement, de nouveaux motifs de reprendre sur tous les points l’attitude et l’initiative d’un pouvoir actif et résolu. Il n’y a point encore de faits positifs qui doivent inspirer de craintes sérieuses pour l’avenir ; mais il y a des signes, des indices qu’il faut considérer, des avertissemens qu’il importe de comprendre. On est encore maître de la situation, c’est une juste cause de sécurité ; mais d’un autre côté toute négligence, toute perte de temps, pourraient être funestes, et voilà le péril.

La discussion du budget est finie à la chambre des députés, et n’a guère donné lieu qu’à des conversations sans importance. C’est qu’en effet il n’est pas aussi