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Toutefois il est un fait qui semble d’abord en contradiction avec ce qui précède. Le cône terminal de l’Etna se forme assez rapidement, car à diverses reprises, comme nous l’avons vu plus haut, il s’abîme dans les gouffres du volcan, et quelques éruptions suffisent pour lui rendre à peu près ses dimensions premières. En 1702, le Piano del Lago présentait l’aspect d’un plateau au centre duquel s’ouvrait un gigantesque entonnoir. C’était le cratère très agrandi et dont l’orifice était béant à fleur de terre comme celui d’un puits sans parapet. Le cône actuel n’a donc guère plus d’un siècle d’existence. Cependant, en 1834, il avait 425 mètres de hauteur sur 4 788 mètres de circonférence à la base[1]. Les déjections du volcan ont-elles seules travaillé à son érection ? S’il en était ainsi, il serait très difficile d’expliquer comment, depuis près de vingt siècles, le Piano del Lago n’a jamais été complètement envahi par le cône, et surtout comment ces déjections si abondantes auraient couvert de quelques pieds à peine les murs de la Torre del Philosopho.

Aussi M. de Beaumont admet-il que les phénomènes de soulèvement qui donnèrent jadis naissance à la montagne se reproduisent de nos jours, quoique avec une moindre intensité. Il croit que bien des cônes, et en particulier le cône terminal, possèdent probablement un noyau solide formé par soulèvement, et que leur forme extérieure est due au manteau de déjections qui vient en déguiser les inégalités et en régulariser les talus. Enfin, selon M. de Beaumont, l’Etna n’a pas encore cessé de grandir, et chaque éruption nouvelle, tendant à le soulever, peut augmenter sa hauteur d’une quantité appréciable.

Cette manière d’envisager les éruptions efface la contradiction apparente que nous signalions tout à l’heure, et les faits ne manquent pas pour justifier cette extension de la théorie. Dans un très grand nombre d’éruptions, la lave liquide est arrivée jusqu’au sommet de l’orifice et s est déversée par-dessus les bords du grand cratère. Cette lave ne pouvait atteindre à cette hauteur sans être soulevée par une puissance énorme dont l’action ne se bornait certainement pas au tube vertical du cratère, mais s’exerçait souvent sur le massif tout entier. Aussi a-t-on vu plusieurs fois des fentes se former et l’Etna présenter une sorte d’étoilement dont les rayons convergeaient vers le cratère. L’éruption passée, plusieurs de ces fentes ont présenté des bords dont le niveau n’était plus le même. Le terrain s’était donc ou élevé d’un côté ou abaissé de l’autre. Bien d’autres phénomènes pourrirent encore être invoqués pour prou ver que jusque dans les parties les plus élevées du volcan l’agent intérieur qui pousse de bas en haut peut produire des phénomènes de soulèvement, mais nous nous bornerons à citer un exemple positif emprunté au récit d’un témoin oculaire. Lors de l’éruption de 1688, selon le père

  1. Environ treize cent pieds de hauteur sur près d’une lieue et quart de circonférence.