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des exemples non moins curieux de ce servilisme imitateur. Plus tard, la réaction catholique et moyen-âge prend chez nous la place du philosophisme, et notre dandisme religieux et féodal supplante aussitôt, auprès de nos Sosie ultra-pyrénéens, le Bon Sens du curé Meslier. Otez de la faction carliste ses élémens accidentels : — les moines qui espéraient, comme par le passé, agrandir leur influence dans la lutte ; les guérilleros que tout drapeau insurrectionnel ralliera, quel qu’il soit ; les Basques enfin, qui, effrayés sur l’avenir de leurs privilèges, faisaient arme du premier moyen de résistance qui leur tombait aux mains ; — et ce qui reste, c’est-à-dire le noyau du parti, la petite cour et l’administration du prétendant, n’est qu’une variété du type afrancesado à sa seconde incarnation. Ceci n’est point un paradoxe. Quel principe, quel intérêt sérieux pouvait rallier ce groupe autour de don Carlos ? Le principe ultra-monarchique ? Il n’était pas menacé ; nul n’avait poussé si loin que Ferdinand VII la théorie du rey neto. L’intérêt des vieilles idées ? Encore moins : de 1814 à 1830, tous les actes de Ferdinand VII ne sont qu’un long duel contre les idées nouvelles, duel inégal où l’agresseur avait la trahison pour armure. Cependant le noyau du parti carliste n’a pas attendu, pour se constituer au nom de cet intérêt et de ce principe, que Marie-Christine vînt jeter la lueur de sa jeunesse et de ses caprices semi-libéraux dans les ténèbres inquisitoriales de la vieille cour. Ce parti n’avait donc pas, à l’origine, de raison d’être. On n’y peut voir qu’un non-sens de l’esprit d’imitation. Don Carlos, outre qu’il avait pour lui les couvens, cet accompagnement obligé de la fantasmagorie romantique du jour, don Carlos, avec ses allures ascétiques et sombres, se prêtait bien mieux aux nécessités du cadre de convention où la mode s’était placée que la trivialité narquoise de Ferdinand, et le goût afrancesado l’adopta, comme il avait adopté les pages en maillot orange et les moisissures ogivales de notre littérature de 1827. M. Victor Hugo a sur la conscience sept ans de guerre civile. Dieu sait où l’épidémie carliste se fût arrêtée si notre littérature-régence n’était venue faire diversion aux ravages d’Ivanhoë et de Notre-Dame de Paris. A son apparition, nos afrancesados ont bien vite oublié moines et croisades pour le genre Louis XV, dont ils se sont mis à parodier, avec toute la conscience possible, les petites prétentions criminelles : mots légers, hâbleries scélérates, petits soupers faits avec tout le mystère de rigueur chez un cabaretier catalan ou savoyard, qui, sous prétexte de cuisine française, inflige à ces martyrs de l’imitation une nourriture impossible ; tripots de bel air, où des marquises, des comtesses authentiques remplacent, de la meilleure foi du monde, nos comtesses de louage et nos marquises d’occasion. Laissons ces types au futur Molière de la Péninsule. Il me suffit d’avoir fait remarquer que le groupe novateur ou soi-disant tel s’est trouvé deux fois conduit,