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LES COMMENCEMENS


DE


LA VIE DE MOLIÈRE.




Les notes qui suivent ont pour but principal d’éclairer et d’assurer le très petit nombre de renseignemens qu’on a pu rassembler sur les quarante premières années de la vie de notre grand comique, en les faisant concorder avec les faits publics et avérés de l’histoire, en y rétablissant d’une manière exacte les dates et les personnes qui s’y trouvent jusqu’ici confusément mêlées, tout cela sans aucune prétention de découvrir ce qui en est demeuré inconnu, mais non sans quelque espérance de redresser en plusieurs lieux ce que l’on en sait mal, ce qui en a été dit au hasard. Il y a, en effet, ici cette double singularité dans l’existence d’un homme qui a beaucoup écrit et que son métier a long-temps tenu en vue, qu’il n’a pas laissé une seule ligne de sa main, et que nul de ses contemporains, de ses amis, n’a rien recueilli, rien communiqué au public de sa personne. Les amateurs d’autographes savent douloureusement à quoi s’en tenir sur le premier point ; sur le second, il suffira de dire, pour le moment, que le premier ouvrage où l’on prétendait raconter la vie de l’auteur illustre, du comédien populaire, est de 1705, postérieur de trente-deux ans à sa mort, et qu’il commençait par ces mots : « Il y a lieu de s’étonner que personne n’ait encore recherché la vie de M. de Molière pour nous la donner. » De là il est résulté que, n’ayant pas à s’aider des ressources si précieuses de la correspondance privée, la biographie, qui, de sa nature, n’aime pas à s’avouer ignorante, n’a pu que ramasser, pour guider sa marche, des souvenirs lointains, des traditions incertaines dont les lacunes encore ont dû être remplies par des fables. Un autre malheur a voulu que cet historien tardif, qui se disait le premier, fût un homme sans nom, sans autorité, sans goût, sans style, sans amour au moins du vrai, un de ces