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sommet ; puis, avec un bruit effroyable, la cime s’éboula pièce à pièce dans les abîmes du volcan. Le lendemain, quatre hardis montagnards osèrent tenter l’ascension. Ils trouvèrent la surface du sol déprimée tout autour du cratère. Toutes les crêtes qui l’entouraient auparavant étaient englouties, et l’orifice, dont la circonférence ne dépassait pas d’a bord une lieue, avait atteint deux lieues de tour[1].

Cependant le torrent de lave sorti des Monti-Rossi continuait sa course en se dirigeant vers le sud. Ses divers rameaux occupaient une largeur d’une lieue et quart. Chaque jour, de nouvelles ondées de feu liquide venaient recouvrir les matières à demi figées de la veille, élargissaient le lit de ces courans d’abord séparés, et envahissaient les îlots de terrain momentanément épargnés. Déjà les villages de Belpasso, de San Pietro, de Camporotundo, de Misterbianco, étaient presque entièrement détruits ; déjà leurs riches territoires avaient disparu sous ces masses incandescentes. Le 4 avril, la lave se montra en vue des murs de Catane et s’étendit dans la campagne des Albanelli. Là, comme pour montrer sa puissance, elle souleva et transporta à une assez grande distance une colline argileuse couverte de champs de blé, puis une vigne qui flotta quelque temps sur les vagues embrasées. Après avoir nivelé quelques inégalités de terrain et détruit plusieurs vignobles, la lave atteignit enfin une vallée large et profonde, appelée la Gurna di Niceto. Dès-lors, les Catanais se crurent sauvés, car ils pensaient que le volcan aurait épuisé ses forces avant d’avoir pu remplir ce vaste bassin. Aussi quelle dut être leur terreur, lorsque, dans le court espace de six heures, ils virent le vallon comblé, et la lave, marchant droit à eux, s’arrêter à un jet de pierre des murailles comme un ennemi qui plante ses tentes devant la forteresse qu’il vient assiéger !

Le 12 avril faillit voir la ruine de Catane. Une coulée de lave, large de près d’une demi-lieue et haute de plus de trente pieds, s’avança directement vers la ville. Heureusement heurtée dans son trajet par un autre courant qui portait à l’ouest, elle se détourna, et, côtoyant les remparts à portée de pistolet, elle dépassa le port et atteignit enfin la mer le 23 avril. Alors commença entre l’eau et le feu un combat dont chacun peut se faire une idée, mais que semblent renoncer à décrire ceux-là même qui furent témoins de ces terribles scènes. La lave, refroidie à sa base par le contact de l’eau, présentait un front perpendiculaire de quatorze à quinze cents mètres d’étendue, de trente à quarante pieds d’élévation, et s’avançait lentement, charriant comme autant de glaçons d’énormes blocs solidifiés, mais encore rouges de feu. En atteignant l’extrémité de cette espèce de chaussée mobile, ces blocs tombaient dans la mer, la comblaient peu à peu, et la masse fluide

  1. Il y a probablement un peu d’exagération dans ces mesures données par Recupero.