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lentement. A huit heures, le soleil répand déjà une chaleur agréable. Des cigognes sont perchées sur un acacia dont les rameaux semblent porter de grandes fleurs blanches. Nous descendons à terre, nous nous promenons délicieusement dans un petit bois de palmiers, au milieu des huppes qui sautillent à nos pieds. Nous écoutons le chant des moineaux et le caquet des femmes arabes. Le calme ne nous permettant pas aujourd’hui d’avancer beaucoup, nous n’avons pu résister au désir de visiter la pyramide de Meydoun, qui nous semblait tout proche. «  Combien de temps faut-il pour aller et revenir ? demandons-nous à Soliman. Quatre heures. — Nous déjeunerons uni peu tard ; n’importe, partons. Et nous voilà en route à jeun, mais affamés surtout de la pyramide, Nestor L’Hôte, l’exact et courageux voyageur dont les lettres sont toujours entre nos mains, avec celles de Champollion, Nestor L’Hôte cite la pyramide de Meydoun comme un exemple des montagnes taillées par la main des hommes, qu’il regarde comme ayant donné l’idée des pyramides. L’Hôte pensait que les pyramides de Memphis avaient été bâties à l’imitation de la grande montagne de Thèbes, qui présente une forme pyramidale. «  Le premier essai de ce genre, dit-il, est le rocher taillé de Meydoun. » Ainsi, les plus anciens monumens humains ne seraient que des montagnes contrefaites, on surprendrait le passage de la nature à l’art ; mais cette opinion de L’Hôte, plus ingénieuse que solide, suppose que la civilisation de Thèbes fut antérieure à celle de Memphis. Or, c’est le contraire qui semble vrai, et aujourd’hui l’étude des monumens confirme le témoignage de Manéthon, d’après lequel l’empire de Memphis commence à la quatrième dynastie, tandis que l’empire de Thèbes ne commence qu’à la onzième.

Un peu en doute sur la théorie générale, je n’en étais pas moins curieux de visiter la pyramide de Meydoun, qui, à distance, me semblait à moi-même un rocher taillé, et à laquelle les Arabes ont donné le nom de fausse pyramide ou pyramide menteuse ; mais, comme j’ai pu m’en assurer, elle ne mérite point cette épithète : il n’y a de faux que la dénomination qu’elle a reçue, de menteur que le témoignage des yeux quand on la regarde des bords du Nil, sans aller l’examiner de plus près. En approchant, on reconnaît une vraie pyramide à degrés, comme les pyramides mexicaines. J’étais d’autant plus curieux d’examiner celle-ci, que je venais de lire un travail de M. Lepsius, dans lequel la pyramide de Meydoun est citée comme une des preuves les plus frappantes du système de l’auteur. D’après lui, les pyramides n’ont pas été élevées tout d’une pièce du bas jusqu’en haut ; mais une pyramide plus petite a été enveloppée par des revêtemens successifs, à peu près comme le cône du Vésuve s’est formé par un enveloppement de laves superposées.

Du premier étage de la pyramide, nous avons regardé long-temps le