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oublier quand il adresse ses reproches à M. Coletti, expliquent cet état de choses. Partout ailleurs, il faut le répéter, l’ordre est complet, et l’on peut prédire que, sauf peut-être quelques rixes locales, presque inévitables dans un mouvement électoral auquel le peuple entier prend part en vertu du droit de suffrage universel, cette grande opération s’accomplira à l’honneur de la Grèce et du gouvernement qui la dirige. La nouvelle chambre s’assemblera sans doute dans les premiers jours du mois d’août. Elle est appelée à un rôle important. La Grèce est fatiguée des agitations politiques ; le développement de son commerce maritime, les progrès de son agriculture, réclament toute son attention et tout son temps. Les dispositions laborieuses d’un peuple qui veut faire fortune, et sa vive intelligence, créent au gouvernement de grandes facilités, mais lui imposent aussi des devoirs. M. Coletti va rester vainqueur de la lutte que ses adversaires ont imprudemment provoquée ; nous ne doutons pas qu’il n’apporte la mène volonté, la même énergie et le même bonheur à la seconde moitié de sa tâche, qui comprend l’organisation du pays, la mise en valeur de ses ressources et la libération de sa dette.

Un motu-proprio du 14 juin vient d’instituer à Rome un conseil des ministres ; jusqu’à présent, l’expédition des affaires était abandonnée à l’initiative isolée de chaque chef de département ; nul accord, nulle pensée commune qui reliât entre elles les diverses branches de l’administration. Désormais tous les actes du gouvernement seront discutés au sein de cette assemblée, dont les différens membres deviendront ainsi solidaires des résolutions soumises au souverain pontife. Le nouveau conseil, qui doit entrer en fonctions le 1er juillet, sera composée de trois cardinaux : le cardinal secrétaire d’état président, le cardinal camerlingue, le cardinal préfet des eaux et forêts ; de trois-prélats di fiocchetto, monsign. l’auditeur de la chambre, monsign. le gouverneur de Rome, monsign. le trésorier, et du président des armes. Il se réunira une fois par semaine, sans préjudice des séances extraordinaires que le besoin des affaires pourra réclamer. Cette nouvelle réforme est assurément la plus importante qu’ait accomplie jusqu’ici le souverain pontife ; en détruisant l’omnipotence du secrétaire d’état et des autres cardinaux hauts fonctionnaires, elle fournit en même temps au gouvernement pontifical l’occasion d’établir l’ordre des attributions et la distinction des pouvoirs, jusqu’ici étrangement confondus, et d’attaquer à la racine le vice fondamental de l’administration romaine. Cette pensée se trouve nettement exprimée dans l’exposé des motifs du décret du 14 juin, à la fin duquel le pape, énumérant les inconvéniens et les abus engendrés par l’ancien état de choses, ajoute ces paroles remarquables : « Les formes de gouvernement doivent se modifier selon le temps et les circonstances ; ce qui pouvait n’être ni nécessaire ni opportun autrefois est nécessaire et opportun aujourd’hui. » Assurément, voilà une phrase que le monde ne se serait pas attendu, il y a quinze mois, à voir tomber du haut du Vatican.

Lorsque de telles assurances partent de la chaire de saint Pierre, lorsque le chef de l’église convie lui-même son peuple à la liberté, il est aisé de comprendre la vénération passionnée dont la personne de Pie IX est l’objet dans toute la péninsule. Suspendue à la bouche de son amorosissimo padre, l’Italie recueille avec avidité chaque nouvelle déclaration, qui, en consacrant un nouveau droit, renferme une promesse pour l’avenir. Par une transformation que notre siècle