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expresse de raffermir ce qu’on s’efforçait d’ébranler : la dignité du gouvernement. Elle a jeté dans la balance l’autorité de son vote comme un contrepoids nécessaire à tant de violentes accusations. Il est temps en effet de venir en aide à ce qui est aujourd’hui assailli de toutes parts, de défendre l’honneur de nos institutions et du gouvernement que nous avons fondé il y a dix-sept ans. Ce devoir n’appartient pas moins aux représentans graves et sérieux de l’opposition qu’aux membres de la majorité. Ne sommes-nous pas dans des circonstances critiques où se trouve en jeu, non pas l’existence d’un cabinet, mais la considération même de ces classes moyennes qui ont entre les mains l’influence, le pouvoir, la direction de la société ?

On ne saurait contester, et nous l’avons dit nous-mêmes, que le triste procès dont est saisie la chambre des pairs était une nécessité ; mais quelle nécessité déplorable ! « Il faut sonder de telles plaies d’une main courageuse, dit M. Renouard dans son rapport ; l’opinion publique ne s’égare pas quand on lui dit tout. «  Puisse-t-il avoir tout-à-fait raison ! Comment ne pas penser avec effroi à l’impression qui sera produite sur les masses par cette accusation si solennellement portée contre deux anciens ministres occupant aujourd’hui les positions les plus hautes dans la magistrature et dans l’armée ? La publicité est une des conditions, une des garanties indestructibles de notre civilisation politique, ses bienfaits sont réels ; mais ne sont-ils pas quelquefois compensés par des inconvéniens fort graves ? Les lumières sont-elles répandues en proportion de la publicité ? N’y aura-t-il pas dans la foule une disposition inévitable à considérer le procès dont la presse portera partout les détails comme l’indice d’une corruption jusqu’alors inouie ? En vérité, il faudrait aussi publier un cours d’histoire pour démontrer qu’au contraire la corruption chez les fonctionnaires publics, chez les représentans du pouvoir, n’a jamais été plus restreinte que de nos jours, et que sur ce point toute comparaison avec le passé est l’éloge de notre temps. A quelque époque, sous quelque forme de gouvernement qu’on envisage la corruption, vous la trouvez marchant le front levé et dominant avec impunité dans les mœurs des républiques comme dans celles des monarchies. Pour ne parler que de l’ancienne France, que dirons-nous des ministres, des généraux d’armée, recevant sans mystère, des provinces qui voulaient capter leurs bonnes graces, des pensions, des tributs ? Ouvrirons-nous le livre rouge pour citer les largesses prodiguées aux maîtresses, aux favoris, aux courtisans ? N’ayons pas la manie de nous donner pour pires que nous ne sommes. Dans la vaste instruction dont le procès devant la cour des pairs a été l’objet, la probité de l’administration et des bureaux ressort pure de tous les examens, de toutes les enquêtes auxquelles on s’est livré. Quant au conseil général des mines et au conseil d’état, on voit qu’il n’entre dans la pensée de personne, pas même de ceux qui se trouvent accusés d’avoir voulu ou de s’être laissé corrompre, qu’il soit possible d’exercer sur les délibérations de ces deux corps la moindre influence au profit d’intérêts privés. Voilà pourtant des résultats moraux honorables et rassurans pour nos mœurs publiques. Qu’on ne se hâte donc pas si fort de jeter l’anathème à notre époque.

Avant d’ouvrir la discussion du budget, la chambre des députés a adopté la proposition relative à la réduction de l’impôt du sel, c’est-à-dire qu’elle a fait ce qu’elle avait déjà fait l’an dernier. Seulement, cette fois, c’est presque à l’u-