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mérite d’avoir long-temps marché dans sa ligne avec courage. Qu’a-t-il gagné par des agressions aussi dépourvues de mesure ? N’a-t-il pas donné raison à ceux qui ont toujours pensé qu’il avait été poussé dans la politique moins par une vocation décidée que par un esprit plus aventureux que solide ? S’il a réellement désiré conquérir un rôle actif dans les affaires, croit-il se rapprocher d’un pareil but par la nouvelle attitude qu’il vient de prendre ? L’ambition veut plus de sang-froid.

Nous conviendrons que, si l’on s’est seulement proposé de porter le trouble dans les rangs de la majorité, de harceler, d’embarrasser le cabinet, on y a réussi jusqu’à un certain point. En effet, lorsque, dans la séance du 25 juin, la chambre a vu que les accusations dont la tribune avait retenti le 17 se reproduisaient devant elle, enrichies d’autres assertions non moins fâcheuses, l’émotion a été au comble. On a prononcé à ce sujet le nom de la convention. Cette assemblée de tragique mémoire avait au moins le mérite de ne se passionner que pour des questions immenses. Ici que de pauvretés, que de déplorables détails jetés en pâture aux mauvaises passions ! Cependant il fallait dissiper cette grosse nuée de petits griefs, d’imputations envenimées. Tâche difficile et ingrate, dans laquelle M. le ministre de l’intérieur, il faut le dire, a montré une remarquable fermeté. Il est resté calme et modéré au milieu des interruptions les plus violentes ; sa parole nette et précise a raffermi la majorité, et quand M. Benoît Fould eut détruit, par des explications catégoriques, le seul fait qui présentait, à vrai dire, un caractère politique, l’opinion de la majorité n’était plus douteuse. C’est pour l’exprimer que M. de Morny a proposé un ordre du jour motivé, qui a été voté par 225 voix. M. de Morny a pensé, non sans raison, qu’il lui appartenait plus qu’à tout autre de prendre l’initiative de cette proposition ; en effet, par des paroles souvent citées, il s’était montré fort résolu, dès le principe, à porter partout un examen sévère. La plupart des conservateurs progressistes ont voté avec la majorité.

Qui s’étonnera que l’opposition ait d’abord accueilli avec empressement, avec joie, l’ardent adversaire du cabinet ? Ne lui annonçait-on pas des révélations qui devaient être de terribles armes contre le gouvernement ? C’est le rôle, c’est le droit de l’opposition de ne rien dédaigner, de tout exploiter. Seulement il est advenu que les effets n’ont pas répondu aux promesses. Ces armes tant vantées se sont trouvées d’assez mauvaise trempe, et il est d’ailleurs des hommes auxquels il ne pouvait convenir de s’en servir. Nous avons vu avec une satisfaction véritable, comme sans surprise, que pas un des représentans de l’opposition gouvernementale, pas un des membres du centre gauche n’a pris la parole dans les débats du 25 juin, dans ces scènes de tumulte et de désordre si étrangères aux habitudes du parlement. Il y a plus, ses deux chefs, MM. Thiers et de Rémusat, n’ont pas assisté à la séance. Il est facile de comprendre le sentiment qui a déterminé cette absence. On peut être l’adversaire décidé et redoutable d’une politique, et ne pas vouloir placer le terrain de la lutte dans des régions inférieures. Si à l’élévation de l’intelligence on joint l’expérience des affaires et l’esprit de gouvernement, il y a certains spectacles dont on s’éloigne sans regret.

En votant un ordre du jour motivé par lequel elle se déclarait satisfaite des explications qui lui avaient été données par le ministère, la majorité a eu l’intention