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avait atteint sa régularité générale et son plein développement. Comparez, étudiez ensemble l’histoire intérieure et pour ainsi dire constitutionnelle des deux monarchies, de 1688 jusqu’à nos jours, et voyez de quel côté sont les garanties et les preuves de durée et de progrès, de conservation sans décadence et de réforme sans révolution ! L’expérience a prononcé, la sagacité la plus vulgaire suffit pour tirer la conclusion du parallèle, et tous les sophismes des avocats du pouvoir absolu ne prévaudront pas contre cette grande expérience comparative qui menace tous ceux qu’elle n’éclaire pas, et qui tient en échec toutes les monarchies absolues du continent tant qu’elles n’en sauront pas comprendre l’éclatante leçon.

Il semble que ce soient là des vérités communes, et que la religion des croyances constitutionnelles, triomphante aujourd’hui, pourrait cesser d’être militante. Une cause gagnée devrait n’avoir plus besoin d’être plaidée ; mais on n’ignore pas que, si cette cause a prévalu dans les faits et dans les lois, elle a perdu quelque chose dans les esprits : il est de mode, parmi les sages du temps, d’affecter le doute et le dégoût en matière d’idées libérales, et l’on essaie de faire à la politique constitutionnelle la situation de ces religions qu’on pratique sans y croire. C’est du côté de la politique que se produisent aujourd’hui les esprits forts et les incrédules. M. de Lamennais pourrait écrire pour eux un nouvel Essai sur l’indifférence. Ne craignons donc pas de revenir sur ces lieux communs un peu vieillis, sur ces antiques raisons, fondemens de la foi constitutionnelle, et de rappeler à ceux qui l’oublient pourquoi l’on a bien fait de détruire ce qu’on a détruit, de fonder ce qu’on a fondé.

L’ancien régime n’avait pas manqué de tentatives de réforme. A de certains momens, des esprits honnêtes ou téméraires, des hommes animés par l’amour du bien, l’ambition du nouveau, la passion de se faire un nom, ont paru songer à restaurer en l’améliorant le gouvernement français. Sans se rendre un compte exact de la portée de l’effort, sans mesurer exactement toute la difficulté du succès, on s’est plus d’une fois proposé d’extirper des abus fondamentaux, d’établir des nouveautés essentielles, d’introduire dans l’ensemble des institutions des changemens qui en auraient modifié la nature. Cet espoir, après avoir séduit les contemporains, a fait illusion aux historiens, et l’on en peut citer d’habiles qui soutiennent encore, en racontant le passé, qu’à certaines époques quelques principes de la révolution ont été sur le point de se faire jour dans les faits. Ainsi, par exemple, on a voulu faire de la fronde une révolution hâtive, et, parce qu’il est impossible de faire une opposition quelconque à un pouvoir quelconque sans invoquer les principes de justice et de liberté, on a vu dans certains