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ne connaît point les obstacles, mais comme un maître qui sait les vaincre ; obéi parce qu’il est habile, modéré quoique victorieux. Ce fut un grand règne et le début de la monarchie administrative ; ce ne fut point cependant la fondation d’une forme de gouvernement ; Henri IV n’a rien constitué. Une royauté qui prévaut, qui s’agrandit, qui surmonte les résistances sans les supprimer, qui conserve des limites qu’elle peut franchir par momens, n’est pas une durable organisation politique ; elle n’est ni assez absolue, ni assez contenue. Ce devait être une forme de transition, un régime temporaire dans lequel l’autorité souveraine irait toujours se développant et compterait ses jours par ses progrès. Abattues par elle, les anciennes résistances ne pouvaient être relevées, et toute tentative pour recommencer une lutte inégale devait tourner au profit du vainqueur. C’est ainsi que le règne de Louis XIII, ou plutôt de Richelieu, ne fut qu’une sanglante prise de possession de la royauté, devenue oppressive dans sa victoire. De la fin de ce règne la monarchie administrative fut fondée, c’est-à-dire qu’elle devint et possible et seule possible.

Son histoire est connue ; elle a pour héros Louis XIV. C’est lui sans aucun doute qui représente avec le plus d’éclat la royauté héréditaire et organisatrice, la monarchie se régularisant elle-même et faisant dominer par le pouvoir absolu le bien public sous le nom d’intérêt de l’état. Aussi est-il devenu pendant un temps le type des rois, et passait-il, aux yeux des écoles d’absolutisme, pour avoir réalisé l’idéal du despote dans les temps modernes. Mais, entre mille objections accablantes pour le système de gouvernement qu’il représente, il y a celle-ci : ce système n’a été mis en pratique qu’une fois, et sa décadence a commencé avant la mort de celui qui l’avait créé, laissant après lui une des royautés les plus déplorablement constituées que le monde ait vues. Quelque mal en effet que l’on puisse dire de l’égoïsme imprévoyant du premier successeur de Louis XIV, et de la modestie inhabile du second, tout ne fut pas de leur faute dans la ruine de leur empire, et ils héritèrent l’un et l’autre d’un sceptre très difficile à manier. Leur pouvoir arbitraire et contraint, assez fort pour leur permettre des jours de tyrannie, trop faible pour suffire seul avec suite aux nécessités d’un grand gouvernement, pesait dans leurs mains comme un instrument lourd et mou, qui ne peut protéger ni servir. Il y avait du despotisme dans l’ancienne monarchie et peu d’ordre. Il y avait des résistances et point de liberté. De nobles traditions y luttaient irrégulièrement contre des préjugés oppressifs et des iniquités héréditaires. Ni le bon, ni le mauvais principe ne pouvait finalement triompher dans ce système de gouvernement sans une crise qui devait le rompre et l’emporter. La constitution définitive de la monarchie anglaise date à peu près de l’époque où celle de Louis XIV