« Et préparant mon lit et ouvrant[1] toile ourdie.
« Va-t’en et ne m’irrite se[2] tu crains pour ta vie. »
Si dit-il. Li vieillards eut crainte et obéit ;
Le long du flot qui gronde, taisans il se partit[3],
Mais puis mout reclama[4], cheminans solitaire,
Le seigneur cui[5] Latone aux beaux cheveux fut mère :
« Entend[6]-moi, tu[7] dont l’ares est d’argent, protecteurs
« Et de Chryse et de Cille, à Ténédos seigneurs !
« Sminthiens[8] ! s’oncque[9] ai mis gracieuse guirlande
« A ton temple, ou brûlé grasse cuisse en offrande[10]
« De taureaux ou de chèvres, accorde ma demande :
« Aux Grégeois[11] que tes flèches fassent payer mes pleurs ! »
Si[12] parla-t-il prians. Apollons l’entendi[13],
Des sommets[14] de l’Olympe courroucés descendi,
Ayans[15] l’arc aux épaules et le carquois empli.
Es-vous[16], au dos s’oyoient[17] les sagettes[18] bruïre
De loin, lui cheminant… Il vient semblans[19] la nuit,
A l’écart des vaisseaux se pose, et puis il tire[20].
L’arcs en argent tinta d’un formidable bruit.
Mulets et chiens rapides prend[21] d’abord à occire ;
- ↑ Travaillant à. C’est le participe du verbe ouvrer.
- ↑ Si.
- ↑ Beaucoup de verbes avaient une double conjugaison, réfléchie ou non réfléchie, tels que se dormir, se partir, se gire. Mime tournure dans l’italien. Dante, Inf., XII, 88 : Tal si parti da cantare alleluia.
- ↑ Implora. Berthe, XXV : « Dame-Dieu et ses saints doucement reclama. »
- ↑ A qui. Il est bien entendu que cui se prononce comme qui.
- ↑ Les secondes personnes du singulier de l’impératif ne prenaient point d’s, attendu qu’elles n’en ont point en latin.
- ↑ Nous dirions aujourd’hui toi, mais moins régulièrement ; car tu est sujet, et toi est régime.
- ↑ Un des surnoms d’Apollon.
- ↑ Si jamais.
- ↑ Travels of Charl., v. 59 : « Et eut faite s’offrande en l’autel principal. »
- ↑ C’était dans l’ancien français un des noms des Grecs, conservé encore dans feu grégeois.
- ↑ Si veut dire ainsi. Dans l’ancien français on écrivait « parla-il ; » mais la prononciation « parla-t-il » est aussi fort ancienne, et je l’ai conservée parce que c’est la nôtre.
- ↑ Généralement on omettait le t aux troisièmes personnes des prétérits. De cet usage nous n’avons conservé que la suppression du t au prétérit de la première conjugaison parla, aima, etc.
- ↑ Travels o f Charl., V. 607 : « En sommet celle tour, sur ce pilier de marbre. »
- ↑ Les participes présens dans l’ancien français sont des adjectifs, et par conséquent s’accordent avec leurs substantifs.
- ↑ Locution très usitée qui signifie voilà que.
- ↑ Imparfait du verbe ouïr : s’entendaient.
- ↑ Flèches. Ce mot est encore dans La Fontaine.
- ↑ Ressemblant à la nuit.
- ↑ Je n’ai pas trouvé tirer avec cette acception dans les poèmes anciens que j’ai lus ; mais je le trouve chez Dante, et je pense que cela suffit pour le justifier. Inf., XII, 63 : Se non, l’arco tiro.
- ↑ Commence par, se met à Roncisvals, p. 6. « Mout doucement le prit à saluer.