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le rivage et changea cette grève, d’un accès facile et sûr, en une falaise inabordable. Quatorze cents ans après, en 1381, une autre coulée suivit à peu près la même direction, détruisit les riches plantations d’oliviers qui avaient poussé sur la vieille lave, et vint, à une lieue de Catane, étreindre de ses derniers rameaux le petit port d’Ognina. Deux autres coulées, à peu près parallèles aux précédentes, cernent la ville à l’ouest et au nord. L’une remonte à l’année 527 avant l’ère chrétienne. Elle est de peu d’étendue et vient se terminer dans le port même. L’autre remonte seulement à l’année 1669, date bien connue de tout Sicilien et qui rappelle une des plus formidables éruptions dont les hommes aient conservé le souvenir. Cette dernière, après avoir abattu un large pan de mur, a pénétré dans la ville et poussé jusqu’au cœur des quartiers populeux les masses de lave qu’on exploite aujourd’hui comme autant de carrières.

Catane est placée à l’extrémité méridionale du massif qui a pour centre le cône du cratère, et qui occupe presque en entier une vaste plaine à peu près circulaire, bornée à l’est par la mer, au sud par le Piano di Catania, à l’ouest et au nord par de hautes montagnes de grès ou de calcaire. Un rameau détaché de cette chaîne s’avance vers l’Etna et s’enfonce bientôt sous le tuf volcanique. Ce point de partage des eaux pluviales donne naissance à deux petits fleuves, l’Onobola et le Simète, qui contournent la base du volcan, en marquent presque exactement les limites, et, en se jetant dans la mer, transforment en une véritable presqu’île ce foyer toujours brûlant[1]. Seul, isolé au milieu de ses domaines si nettement déterminés, l’Etna présente la forme d’une pyramide de plus de dix mille pieds de hauteur[2], de dix à quinze lieues de diamètre à sa base. Cette vaste étendue, la facilité avec laquelle on embrasse l’ensemble du massif, donnent à l’Etna un aspect bien différent de celui qu’on pourrait attendre. Cet aspect n’a rien de menaçant,

  1. Le point de partage des eaux du Simète et de l’Onobala est élevé de 2832 pieds au-dessus du niveau de la mer. Geognostische Beobachtungen gesammelt auf einer Reise durch Italien und Sicilien, in den Jahren 1830, bis 1832, von Friedrich Hoffmann. (Archiv fur Minéralogie,Geognosie… 1839.)
  2. La hauteur absolue de l’Etna varie avec celle du cône qui le termine, et, comme celui-ci est modifié à chaque éruption, on voit qu’il est nécessaire de prendre à chaque fois de nouvelles mesures. Deux savans anglais, employant des moyens très différens, ont obtenu, pour la hauteur de la cime la plus élevée avant 1832, des chiffres qui ne diffèrent que d’une seule unité. M. Smyth, par des opérations trigonométriques, a trouvé 3314 mètres ; M. Herschel, par des observations barométriques, 3313 mètres. On voit que la moyenne des deux résultats serait 3313,5 mètres, ou environ 10219 pieds ; mais le sommet qui a donné ces résultats n’existe plus aujourd’hui, et l’on peut croire que la hauteur actuelle égale tout au plus celle d’un autre point du cratère qui, mesurée par les mêmes savans, s’était trouvée de 14 mètres moins élevée que la première. Ainsi la hauteur de l’Etna au moment de notre ascension devait être à peu près de 3300 mètres (10175 pieds environ).