Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/1133

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lewski, qui néanmoins a maintenu avec calme et fermeté le blocus de la part de la France. Quand la nouvelle de l’étrange conduite de lord Howden est arrivée à Londres, lord Palmerston s’en est montré aussi étonné que personne, et il aurait dit, assure-t-on, à notre ambassadeur, M. le duc de Broglie, qu’il n’y comprenait rien. Il est difficile cependant d’attribuer à une excentricité individuelle la détermination de l’agent anglais. Il était sans doute dans les instructions de lord Howden de saisir la première occasion qui lui paraîtrait favorable pour se retirer de la négociation entamée, rompre tout concert avec le représentant de la France et nous laisser ainsi dans l’isolement. Peut-être toutefois lord Palmerston ne s’imaginait-il pas que son agent exécuterait ses ordres avec tant de brusquerie. Quoi qu’il en soit, le fond reste le même. C’est toujours, de la part de lord Palmerston, la passion d’isoler la France dans toutes les questions, dans les plus grandes comme dans celles de moindre importance. Est-ce donc là la politique d’un défenseur des véritables intérêts de l’Angleterre ? Non, c’est plutôt une politique personnelle procédant par de capricieuses saillies.

Il est, au reste, un résultat auquel arrive lord Palmerston : c’est de tenir l’Europe en éveil. On se demande chaque matin ce que fera cet impétueux ministre. Il y a eu des époques où l’Europe, avec plus ou moins de raison, reprochait à la France de déployer une activité plus bruyante que féconde ; aujourd’hui c’est lord Palmerston qui est en possession d’occuper l’Europe. On le représente comme tout-puissant sur les points les plus opposés : à Madrid, où nous doutons cependant que la juste susceptibilité du caractère espagnol accepte long-temps la dictature de l’influence anglaise ; à Athènes, où nous espérons que l’habile énergie de M. Coletti triomphera des difficultés de tout genre que lui suscite la diplomatie britannique. Quoi qu’il en soit, l’allure de la politique anglaise en Europe a quelque chose de dominateur, tandis que l’attitude de la France est surtout prudente et réservée. Sans attribuer à ces apparences plus de valeur qu’elles ne méritent, nous ne voudrions pas que le contraste fût poussé trop loin. Nous avons foi plus que personne dans la puissance de notre pays : la France, quand elle le veut, sait, par des actions aussi rapides qu’éclatantes, étonner l’Europe. Il n’y a pas trois ans que la campagne du Maroc faisait briller sur notre armée d’Afrique un éclat qui rappelait l’Égypte et Héliopolis, et quoique Abd-el-Kader n’ait pas fait dans les états d’Abderrhaman tous les progrès dont on a parlé en ces derniers jours, nos soldats pourront encore, de ce côté, trouver matière à de brillantes expéditions. La France ne s’est pas affaiblie au sein de la paix : elle a grandi par elle ; c’est ce que ne sauraient avoir trop en mémoire ceux qui parlent en son nom.

Ces sentimens nous sont inspirés par les impressions que nous ont paru rapporter de l’étranger des voyageurs et des hommes politiques. Depuis que les chemins de fer et la navigation à vapeur ont mis Spa, Aix-la-Chapelle, Ems, Hombourg, Bade, Wiesbaden, à moins de deux journées de Paris, de Londres ou de Berlin, malade ou non, tout ce qui a besoin de repos ou de distraction va prendre les eaux. La causerie spirituelle, qui faisait autrefois le charme et la gloire des salons de Paris, semble s’être réfugiée autour de chacune de ces sources ; la fantaisie du voyage disperse ou réunit sur leurs bords ce qu’il y a de plus distingué et de mieux renseigné dans vingt capitales grandes ou petites ; les salons y sont des promenades ; la gêne et l’étiquette en sont bannies ; on met en commun