Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 19.djvu/1132

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lentet de son caractère politique, contre les excès et les désordres qui dépouillaient la reine Christine de son autorité constitutionnelle. Aujourd’hui, nous défendons encore la même politique et les mêmes principes ; pour nous, Espartero est toujours un adversaire ; son rappel nous retrouve dans les mêmes sentimens à son égard ; à nos yeux, il n’a pas cessé d’être un ennemi de la France. Si nous avons au fond la même opinion de lord Palmerston, en professant une juste estime pour ses talens politiques, sommes-nous dans l’erreur ? Lord Palmerston s’est-il modifié depuis sept ans ? Ne cherche-t-il pas aujourd’hui, comme il y a sept ans, à isoler la France, à l’affaiblir ? En vérité, le moment est bien choisi, pour un organe de la presse française, de briguer les complimens du Morning-Chronicle ! Y a-t-il plus d’à-propos, de la part de la même feuille, à emboucher la trompette en l’honneur des radicaux de la Suisse ? Cette feuille a donc oublié les avertissemens et les conseils qu’en 1836 le même homme d’état, dont nous venons de rappeler le langage en 1840, adressait à la Suisse avec fermeté ? Le chef du ministère du 22 février ne représentait-il pas à la confédération helvétique combien elle était intéressée à se préserver de tous les excès, à ne pas s’aliéner la bienveillance de l’Europe par des démonstrations anarchiques et par une imprudente connivence avec les factieux de tous les pays ? Aujourd’hui, disons-nous autre chose ? A toutes les époques, la France, qui est pour la Suisse une alliée fidèle, une vieille amie, lui a conseillé la modération dans la conduite, parce qu’elle ne saurait avoir d’autre politique que le maintien de l’indépendance helvétique, parce que cette indépendance pourrait périr au milieu des excès et des conséquences de la guerre civile. Sur ce point, nous trouvons la même pensée dans les principes de l’ancienne monarchie, dans la médiation toute-puissante de Napoléon, dans la diplomatie de la royauté constitutionnelle, dont les ministres, M. le comte Molé, M. Thiers, M. Guizot, ont tous eu, depuis dix-sept ans, à l’égard de la Suisse, la même politique. C’est ce que ne devraient pas oublier ceux qui prétendent nous faire la leçon avec une morgue si plaisante.

Avons-nous tort aussi quand nous croyons toujours avoir à craindre une pensée malveillante de la part de lord Palmerston ? Il y avait une question dans laquelle depuis long-temps l’Angleterre et la France marchaient d’accord. Les deux gouvernemens comprenaient que sur les bords de la Plata ils se prêtaient une force mutuelle et nécessaire pour mieux représenter l’Europe, car c’était l’Europe elle-même et non pas telle ou telle puissance qu’affectait de braver Rosas. Dans ces derniers temps, en dépit des récentes et vives mésintelligences provoquées par les affaires d’Espagne, les deux gouvernemens montrèrent par leurs actes qu’ils persistaient dans la pensée politique d’une action exercée en commun. Deux agens, lord Howden, représentant l’Angleterre, M. Walewski, envoyé par la France, partirent ensemble pour la Plata ; ils devaient travailler de concert à tout pacifier. Dans les premiers momens, Rosas manifesta des dispositions favorables ; puis, revenant à son humeur ordinaire, il se refusa à tout ce que lui demandaient les deux négociateurs, qu’une telle conduite devait, à ce qu’il semble, tenir plus unis que jamais. Cependant tout à coup lord Howden, sans donner le moindre avertissement à son collègue, autorise le commandant des forces anglaises dans la Plata à lever le blocus de Buenos-Ayres. Un pareil procédé, qu’à coup sûr il était permis de ne pas prévoir, a surpris vivement M. Wa-