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massacres de Parme et des troubles de Sienne. La population irritée poursuivit les chefs des agresseurs devant les tribunaux. Quatre députations successives, conduites par les hommes les plus recommandables, vinrent inutilement demander justice aux ministres, et, l’autorité faisant la sourde oreille, les citoyens se formèrent spontanément en garde nationale. Le duc était alors absent. Il accourut précédé d’une proclamation dans laquelle il rappelait brutalement ses sujets à l’obéissance filiale, et cassait tout ce qui s’était fait. Plusieurs destitutions vinrent augmenter encore le mécontentement général, et les conseillers de la couronne durent supplier le prince de songer au salut de sa souveraineté. Alors un motu proprio du 25 juillet déclara dissous le corps des carabiniers, et le métamorphosa en un corps de dragons. Cette importante réforme accomplie, le duc s’en alla à sa maison des champs ; les pétitions l’y suivirent. Le prince, cédant tantôt aux conseils de la prudence, tantôt revenant à ses instincts despotiques, faisait paraître coup sur coup les proclamations les plus contradictoires, retirait le soir ce qu’il avait promis le matin, accordait le 1er septembre la garde nationale, et déclarait le lendemain n’avoir cédé qu’à la violence, si bien que les Lucquois, poussés à bout, ont fini par se révolter, et ont eux-mêmes reformé la garde civique. Le duc, contraint de céder, est rentré le 3 septembre dans sa capitale, accompagné du prince héréditaire, en ratifiant cette fois ce qui s’était passé durant son absence. Si l’Autriche saisissait comme prétexte les troubles de la petite principauté de Lucques, qui, du prince ou des sujets, aurait encouru la plus grande part de responsabilité ?

La grande et véritable difficulté de cette question d’intervention, qui se reproduit aujourd’hui sur presque tous les points de l’Italie, c’est que nulle part elle n’est posée dans des conditions identiques, c’est que dans plusieurs états des liens de famille, des stipulations diplomatiques, créent des situations particulières et variées dont il est impossible de ne pas tenir compte. Dans le duché de Modène, dans ceux de Lucques et de Parme, qui n’ont pas à l’égard de l’Autriche l’incontestable indépendance de Rome et du Piémont, on comprend, par exemple, que cette question d’intervention serait plus délicate. Toutefois il faudrait que dans ces petites principautés aussi la France eût une politique ferme et protectrice de tous les droits. Là aussi il y aurait pour les états indépendans de l’Italie un rôle honorable et tutélaire à jouer. S’il est vrai que l’Autriche concentre des troupes sur les différens points de la Lombardie, ce n’est pas sans doute dans une intention purement défensive. La conduite de l’Autriche dépendra beaucoup de l’attitude que prendra le roi de Sardaigne. Si le cabinet de Vienne voyait dans la cour de Turin le projet bien arrêté de s’opposer à une intervention, il a trop de prudence pour brusquer l’entreprise. Par malheur, le gouvernement du roi de Sardaigne ne nous a pas habitués aux résolutions vigoureuses et persévérantes, et cependant on n’arrive à rien, ou plutôt on n’arrive qu’à constater son impuissance avec des élans qui tombent, avec des protestations que des actes ne viennent pas soutenir. A Naples, le gouvernement est encore maître de sa conduite, il peut choisir entre la voie des réformes et celle des réactions. Malgré les troubles qui ont éclaté sur quelques points, en Sicile, en Calabre, la capitale et la plus grande partie des provinces sont tranquilles. Le roi pourrait donc prendre des mesures libérales qui satisferaient l’opinion, sans faire dire qu’il cède à la force. Turin et Naples doivent prendre exemple