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Au surplus, est-il donc si difficile de se mettre sur la trace du vrai ? Est-il besoin de révélations diplomatiques pour savoir qu’à Rome il n’est pas un esprit sérieux qui ne soit convaincu que dès le principe Pie IX a pu compter sur l’adhésion morale du gouvernement français ? Si la France a reconnu que les traités qui, depuis plus de trente ans, règlent l’économie de l’Europe doivent être respectés, elle a en même temps posé avec fermeté le principe du respect de l’indépendance des souverainetés. C’est cette indépendance qui permet aux gouvernemens d’améliorer leur administration intérieure, et de prendre toutes les mesures utiles au bonheur et à la liberté de leurs peuples. Les réformes sages et modérées trouveront dans la France, — son gouvernement l’a déclaré par ses agens et ses notes diplomatiques, — un constant et sincère appui. Voilà, nous croyons pouvoir l’affirmer, quelle a été l’attitude, quel est encore le langage de la politique française. Lorsque l’incident de Ferrare a éclaté, le gouvernement français a exprimé sa sympathie pour les sentimens de dignité courageuse qui avaient dicté les protestations de la cour de Rome. L’entrée aux affaires du cardinal Ferretti a eu toute son approbation. En un mot, notre politique à Rome, tout en se montrant pacifique et amie de l’ordre, a été libérale et n’a en aucune façon marché à la suite de la diplomatie autrichienne.

Sur l’attitude du cabinet de Vienne envers le Saint-Siège, beaucoup de fausses rumeurs ont circulé. On a parlé d’un arbitrage au sujet de la question de Ferrare. Il n’en est rien. En proposant de s’en remettre à un arbitre, le cabinet de Vienne eût reconnu, par cela même, qu’il y avait dans son droit de mettre garnison dans la place de Ferrare quelque chose de contestable et de litigieux : or, il soutient une thèse toute contraire. Le pape n’a donc pas eu à délibérer sur l’acceptation d’un arbitrage qui n’a pas été proposé. Le gouvernement autrichien s’est promptement aperçu de l’émotion qu’avait causée non-seulement en Italie, mais dans tous les cabinets de l’Europe, sa manière d’entendre et d’exécuter l’article 103 de l’acte du congrès de Vienne ; aussi, tout en maintenant la garnison de Ferrare dans les positions nouvelles qu’elle a prises, il a déclaré, dans une note, qu’il reconnaissait l’indépendance et l’intégrité de chaque état, qu’il n’avait jamais eu la pensée d’arrêter un souverain dans la marche qu’il voudrait prendre pour le bien de son peuple. Seulement l’Autriche est forcée, par sa situation géographique, de porter son attention sur tout mouvement politique en Italie, parce que ses propres états pourraient s’en ressentir. Cette note a été adressée par la cour de Vienne non-seulement à ses représentans auprès des grandes puissances, mais à toutes ses légations, avec ordre de la communiquer. Voilà ce qui explique comment le vorort de Berne a reçu cette communication avec tous les gouvernemens de l’Europe. On ne doit donc pas attacher à cette circonstance une portée politique qu’elle n’a pas. Il ne faut pas non plus oublier que, si le représentant de l’Autriche auprès de la confédération helvétique ne réside pas à Berne, la cour de Vienne n’a pas pour cela rompu ses relations diplomatiques avec la Suisse. Le ministre d’Autriche, M. de Kaisersfeld, est resté à Zurich pour ne pas se trouver en contact trop direct avec le gouvernement radical de Berne, et notamment avec M. Ochsenbein, dans lequel il voit toujours l’ancien commandant des corps-francs. C’est de Zurich que M. de Kaisersfeld a transmis au vorort la note de son gouvernement.

On le voit, malgré l’extension regrettable donnée à l’occupation de la place