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chambre des députés a demandé récemment que l’on créât pour les affaires de l’Algérie un ministère spécial. Quant à l’idée de placer des sous-secrétaires d’état auprès des divers ministères, entrant et sortant avec chaque cabinet, elle a été plusieurs fois émise à la chambre à propos de la proposition de M. de Rémusat. Ces projets pratiques, si faciles à exécuter, qui seront certainement adoptés quand nos mœurs politiques seront plus formées, personne ne les repousse absolument et en principe ; mais tout le monde s’imagine qu’ils échoueraient devant la difficulté de faire voter quelques traitemens de plus, comme si le meilleur ordre, la meilleure administration, les affaires mieux faites n’étaient pas les plus sûres et les plus profitables des économies.

Pour notre compte, nous verrions avec plaisir notre gouvernement imiter dans une certaine mesure ce qui se fait dans le pays voisin dont nous venons de citer l’exemple. La moralité politique ne pourrait qu’y gagner. Un cabinet ne peut se soutenir tout seul et demeurer sans secours contre de continuelles attaques. Si les moyens d’influence efficaces et honorables lui sont refusés, il peut être tenté de recourir à des expédiens moins avouables. Le parlement est, suivant nous, la source vive et pure où le pouvoir doit se retremper et s’alimenter sans cesse. C’est là qu’il doit trouver sa force et son point d’appui afin de n’aller pas les chercher ailleurs. S’il était autorisé par l’usage et les mœurs publiques à faire une juste part à l’ambition légitime, suivant nous, des hommes parlementaires qui l’appuient, il serait dispensé de traiter avec des ambitions subalternes qui s’agitent sans cesse autour de lui. Quand les chambres françaises ont exigé que la presse politique cessât d’être subventionnée, elles obéissaient à un sentiment dont nous ne saurions les blâmer. Peut-être devaient-elles prévoir cependant qu’en dépouillant le pouvoir d’une arme utile, sans lui en remettre aucune autre dans les mains, elles le plaçaient dans une situation violente qui avait aussi ses inconvéniens. Les faits affligeans dont la tribune a retenti sont là pour prouver qu’on peut vouloir prélever sur les ministres d’autres contributions que des contributions en argent. Ne croyons pas d’ailleurs que notre temps et notre pays soient seuls affectés de ces plaies déplorables ; elles existent partout. Sous les gouvernemens absolus de si belle et si régulière apparence, il se passe de bien autres désordres ; mais ils sont à peine connus, ou sont pris en très grande patience Sous un régime qui admet, comme le nôtre, la libre discussion et le contrôle de l’opinion, ces misères, qui seraient ailleurs couvertes et protégées par un mystère impénétrable, sont produites au grand jour par tous ceux qui ont intérêt à les signaler et à les grossir pour en tirer quelques occasions de reproche contre les ministres du jour. Cette lie qui croupit dans les profondeurs de toute société remonte ainsi d’elle-même à la surface. Ne nions pas le mal, n’en détournons pas la vue,