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le même jour, un arrêté ministériel donna à la compagnie Thurneyssen le permis d’exploration sus-mentionné, à la condition d’intéresser les deux chefs indigènes dans l’entreprise future.

Remarquons cette date du 20 février : les dates sont importantes dans cette histoire des mines de Bône dont on a voulu faire un scandale. Le 24 du même mois, c’est-à-dire quatre jours après la délivrance du permis d’exploration à la compagnie Thurneyssen, arrive au ministère une nouvelle demande des deux kaïds, écrite de Bône le 24 janvier, et faisant connaître au ministre qu’ils avaient choisi pour associé M. de Bassano par acte en date du 22 janvier. Était-il possible d’annuler une signature légalement et loyalement donnée ? Y avait-il un motif, un prétexte raisonnable pour favoriser M. de Bassano, déjà nanti d’une concession, aux dépens d’un concurrent qui n’avait rien obtenu encore ? Posée en ces termes, la question ne semble plus même mériter de réponse. Qu’importe en effet à la France, qui paie annuellement plus de 100 millions pour féconder l’Algérie, que telle mine serve à l’enrichissement de M. de Bassano plutôt que de 31. Thurneyssen ? La métropole, qui consent à augmenter d’un dixième la charge de ses impôts, veut que l’or versé en Afrique devienne, non pas une prime pour quelques capitalistes, mais un gage pour les travailleurs de toutes les classes.

Dans l’impuissance de satisfaire la compagnie Bassano, on lui témoigna le regret de n’avoir pas reçu sa demande écrite en temps utile. Vainement on s’épuisa en explications pour démontrer aux solliciteurs mécontens qu’ils n’avaient pas été victimes de la malveillance et de la fraude, ainsi qu’ils osaient l’affirmer. Ce fut au milieu de ce débat qu’intervint l’ultimatum du 5 juin, lu à la tribune de la chambre des pairs, et ainsi résumé : « La concession d’Aïn-Barbar aux kaïds, avec participation de MM. de Bassano et compagnie. Il est important que vous m’honoriez d’une réponse absolue mardi, car passé cette époque je me trouverai dans l’obligation de faire distribuer aux chambres et à la presse un mémoire que je viens de terminer, et que je serai heureux d’anéantir. » L’ultimatum étant resté sans réponse, les hostilités furent en effet ouvertes. A Dieu ne plaise que nous renouvellions un triste débat ! En général, nous n’aimons pas les discussions qui amènent sous notre plume des noms propres. Nous ne faisons pas métier d’attaquer ou de défendre les individus. Nous cherchons loyalement le vrai, en nous élevant au point de vue des intérêts généraux. Or, il s’est produit une dénonciation qui a fait fracas, parce qu’elle a été lancée de manière à trouver de nombreux échos, parce qu’elle articule un fait énorme et qu’elle incrimine des noms retentissans. Il en est résulté une émotion funeste aux intérêts de l’Algérie : en effet, si l’accusation était prouvée, s’il était possible que les agens de l’autorité eussent fait en secret un