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alimentaires, sans ouvriers disponibles, n’offrait pas une perspective bien séduisante. La concurrence des solliciteurs ne paraît pas avoir été fort active. Trois ans seulement après la découverte, un spéculateur audacieux, recommandé par un nom célèbre dans les sciences et dans l’industrie, M. Élie de Montgolfier, fit valoir auprès de l’autorité des sacrifices qu’il aurait faits pour explorer le territoire de Mouzaïa, et pour obtenir des chefs de tribus indigènes la cession du tréfonds de toutes les mines découvertes et à découvrir. Dans la disposition où se trouvaient alors les esprits, tout homme promettant d’attirer en Afrique des capitaux et des bras avait chance d’être bien accueilli, et, au lieu de restreindre les demandes des entrepreneurs, il y avait plutôt tendance à stimuler leur ambition. M. le maréchal Bugeaud encouragea donc les prétentions de M. de Montgolfier avec une vivacité peut-être irréfléchie ; en décembre 1843, il soumit à l’approbation du ministre de la guerre un arrêté pour la concession provisoire, pendant trois ans, de toutes les mines de Mouzaïa, en insistant tellement sur les avantages de cette mesure, qu’il regrettait, disait-il, de ne s’être pas cru autorisé à la prendre d’urgence. Peu de temps après, le 20 février 1844, le gouverneur-général transmettait au ministre un nouveau projet d’arrêté par lequel il proposait, non pas seulement d’accorder à M. de Montgolfier les gisemens métallifères de Mouzaïa, mais de lui concéder tout le territoire entre la Chiffa et la route de Blidah à Médéah, c’est-à-dire environ huit lieues carrées. Le gouverneur-général justifiait son insistance en disant qu’un permis d’exploration valable pour un an, qu’il avait délivré, en date du 5 septembre 1843, lui semblait un engagement pris envers M. de Montgolfier.

Jusqu’à cette époque, ainsi que nous l’avons dit, on n’avait pas contesté au gouverneur-général le droit de disposer des terres incultes dans l’intérêt de la colonisation ; mais, cette fois, il s’agissait d’une valeur peut-être considérable. Le gouvernement sentit qu’il pouvait y avoir abus dans ce droit conféré au chef de la colonie d’aliéner le domaine public. D’ailleurs, l’incident était nouveau, c’était la première fois qu’une concession de mines devait être accordée en Afrique. Au lieu de trancher l’affaire d’urgence, M. le maréchal Soult déclara qu’elle devait être étudiée mûrement. Les principes à suivre pour la cession et l’exploitation des richesses minérales de l’Algérie n’étaient pas encore posés. Le ministre de la guerre voulut que les départemens du commerce et des travaux publics fussent consultés sur ce point. L’avis unanime fut d’appliquer à la colonie les règlemens qui font loi dans la métropole. M. le maréchal Soult se montra en outre jaloux de conserver à ce genre d’entreprise un caractère national. Il posa en principe que les minerais devaient être traités sur place ou dans les usines de