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service public serait mieux assuré, parce qu’il serait mieux réparti, mais des hommes doués de mérites divers pourraient se compléter les uns les autres par une heureuse association. Les uns y prendraient place en leur qualité d’habiles orateurs, les autres à cause de leur connaissance de certaine partie de l’administration, quelques-uns par suite de leur influence dans le parlement, quels que fussent d’ailleurs les motifs de cette influence, soit une position anciennement acquise, soit des services récemment rendus, soit le talent de manier les hommes, talent si nécessaire dans les gouvernemens constitutionnels. Tous ces postes ne devraient pas être nécessairement d’égale importance, quoique tous impliquassent une responsabilité commune. Combien toutes ces volontés, toutes ces capacités, convergeant vers un même but, donneraient de force et d’autorité à un gouvernement ! En Angleterre, dans ce pays éminemment sensé et pratique qui nous a précédés dans les voies constitutionnelles, ce n’est pas pour satisfaire la vanité de quelques grands seigneurs désœuvrés qu’on a mis tant de places importantes et richement rétribuées à la disposition des ministres. On y a une trop longue expérience du régime parlementaire, on y connaît trop bien ce genre de gouvernement, pour avoir voulu faire à l’autorité une situation impossible. Les diverses factions, en se succédant rapidement aux affaires, ont appris à en reconnaître et à en respecter les exigences invariables ; elles ont senti qu’une condition indispensable pour une administration placée à la tête des destinées du pays, c’était d’être en mesure d’appeler un assez grand nombre de personnes aux fonctions élevées de la politique, et de les intéresser ainsi à sa fortune. L’opposition ne songe pas, à Londres, à restreindre l’emploi de ces moyens d’influence, car un jour elle les possédera, et elle en fera elle-même à son tour un large et légitime usage.

Il n’est pas inutile de jeter à ce sujet un coup d’œil sur les précédens du parlement anglais et d’examiner par quelles phases les cabinets anglais ont passé avant d’arriver à leur composition actuelle. Il y aurait peut-être là de bons exemples à suivre et quelques écueils à éviter.

Le premier cabinet de M. Pitt, en 1784, n’était composé que de sept membres, dont deux possédaient des sinécures, et un troisième, le chancelier, exerçait des fonctions plutôt judiciaires que politiques ; restaient donc seulement quatre ministres à portefeuille.

Lors de son second ministère (4804), M. Pitt avait senti le besoin d’agrandir son cabinet ; il l’avait composé de onze membres ; il y avait placé le commandant de l’artillerie, le secrétaire d’état de la guerre et des colonies, le président du bureau de contrôle dirigeant le gouvernement de l’Inde, et le chancelier du duché de Lancastre. En 1820, le cabinet anglais se composait de treize membres ; enfin le dernier cabinet de sir Robert Peel contenait quatorze personnes. Aujourd’hui le cabinet de