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dans le bill la clause formidable de l’entretien des indigens valides. Ainsi, le marquis de Lansdowne, président du conseil, qui était chargé de la conduite du bill dans la chambre des lords, déclarait que cette clause n’y serait pas comprise, mais il faisait cette déclaration dans la chambre des landlords. Or, dans l’autre chambre et dans la presse, la question n’était pas si facile à résoudre, et ce n’était pas un ministère aussi faible, aussi irrésolu et aussi vacillant que le ministère actuel, qui pouvait tenir tête à l’entraînement de l’opinion.

D’ailleurs, le moment critique, le quart d’heure de Rabelais, allait arriver. C’était bien de faire de grands projets, de se montrer libéral, mais il fallait payer. Le chancelier de l’échiquier vint faire le 22 février, dans la chambre des communes, l’exposé de la situation financière du pays. Il y avait un côté de la médaille très brillant, celui de l’Angleterre. Sir Charles Wood débuta en disant qu’au commencement de l’année il y avait dans le trésor une balance de 9 millions sterling (225 millions de francs). Le revenu était en pleine voie de prospérité ; l’ancien chancelier de l’échiquier en avait estimé l’excédant probable à 700,000 liv. sterl. (17,500,000 fr.), et il se trouvait être de 3 millions livr. sterl. (75,000,000). On prévoyait, il est vrai, une crise commerciale et manufacturière ; mais elle était attendue, par conséquent elle avait perdu la moitié de son danger. Enfin l’Angleterre, si elle avait été seule, n’aurait eu ni embarras, ni inquiétudes, ni insomnies ; mais elle n’était pas seule : l’Irlande pesait sur elle de tout son poids ; suspendue à ses mamelles rebelles, elle les épuisait et les mordait jusqu’au sang. Tout l’argent qui arrivait au trésor anglais, il le fallait reverser dans les rues et dans les grandes routes irlandaises. Le chancelier de l’échiquier retourna la médaille. Il venait de dire : Voilà ce que vous ont rapporté vos douanes, votre accise, votre income-tax ; » il eut à dire ensuite « Voilà ce que vous coûte l’Irlande. » A la fin de janvier, il y avait 571,000 hommes employés par l’état à casser des pierres sur les routes ; l’administration seule de ces travaux coûtait plus de 500,000 francs. Il avait été dépensé 7,500,000 francs en achats de grains. Le trésor avait émis 50 millions de francs de bons de l’échiquier pour subvenir aux travaux publics. En résumé, les dépenses étaient de 25 millions de fr. par mois. Elles étaient évaluées, pour l’année qui devait finir au mois d’août suivant, à 10 millions sterling (250 millions) ; 2 millions étaient déjà payés, il restait à pourvoir aux 8 autres. Sir Charles Wood termina son exposé en demandant la faculté de faire un emprunt de 200 millions de francs. On sait que l’emprunt fuit adjugé, trois jours après, à MM. de Rothschild et Baring ; l’opération se fit avec la promptitude et la décision qu’on apporte en ces sortes d’affaires de l’autre côté de l’eau.

Le même jour qu’elle autorisait l’emprunt de 200 millions pour l’entretien