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secours qu’on leur offrait, tout en protestant à l’avance contre la loi des pauvres, et se promettant bien de la combattre. Les radicaux et les économistes anglais jetèrent feu et flammes contre les avances faites aux landlords, et réclamèrent à grands cris une poor law. A la bourse, on se demandait ce que tout cela coûterait, et où on prendrait l’argent. L’état des affaires empirait ; l’escompte montait, et c’était quand l’argent devenait de plus en plus rare qu’on proposait d’en prêter aux landlords à un intérêt presque fictif. M. Roebuck était, comme toujours, à la tête de l’opposition. Une loi des pauvres, selon lui, était la seule chose qui pût mettre un terme à une condition sociale où le peuple était en famine chronique, et les landlords en faillite également chronique.


« Les Irlandais, disait-il, ont l’air de croire que le premier devoir de l’Angleterre, c’est de les nourrir, de les habiller, et de leur faire la barbe. Non, je n’ai jamais vu un pareil spectacle ! Une grande nation, avec un climat aussi beau que celui de l’Angleterre, une population physiquement plus forte, et des qualités intellectuelles égales sinon supérieures, mais avec cette différence qu’elle manque de ce courage moral qui donne à l’Anglais la force de se suffire à lui-même ! »


Le vieux M. Hume, préposé depuis un demi-siècle à la garde du budget, voyait avec effroi s’arrondir les chiffres des sommes promises aux Irlandais. « Ils remercient le ministère, disait-il d’un ton lamentable, et ils s’en vont contens, absolument comme s’il ne s’agissait que d’emporter de l’argent, de l’argent, de l’argent !

Naturellement les Irlandais rugissaient et bondissaient sous ces assauts qui se renouvelaient à chaque séance. Ils faisaient des irruptions en masse sur leur plus inexorable ennemi. « Je ne veux pas, disait M. Grattan, un des fils du célèbre Irlandais, je ne veux pas appeler ses discours de la satire, ni de la virulence, ni même de la calomnie ; c’est le poison d’une petite vipère ratatinée. » M. John O’Connell l’adjurait de les laisser en repos, en lui disant « de choisir un jour pour exhaler à son aise toute sa bile sordide et toutes ses viles injures contre les Irlandais. » Quant à M. Roebuck, il était dans son élément. « C’est bien, disait-il, vous avez beau crier, le bœuf lui-même peut sentir la piqûre de la vipère ; son dard est armé de la vérité, et il est clair qu’il a touché juste. »

Au milieu de ces querelles passionnées, la voix calme de l’homme d’état avait de la peine à se faire entendre. L’opinion de sir Robert Peel était attendue avec impatience. L’ancien ministre jugea les projets de ses successeurs avec réserve et bienveillance. En ce qui touchait les mesures temporaires, il les approuva et en pressa l’exécution. Quant aux mesures permanentes, il insista, comme lord John Russell, sur la nécessité de la coopération des particuliers. « Il tout, disait-il, apprendre