Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’attachait autrefois à de pareils débats. Ce ne sera pas un médiocre résultat du progrès de la sagesse publique que le bon accord du gouvernement de 1830 tant avec Rome qu’avec le clergé national. Aujourd’hui le gouvernement, s’associant à une pensée de l’empire et de la restauration, veut conserver dans son indépendance le chapitre royal de Saint-Denis. Napoléon, qui avait un respect religieux pour les souvenirs illustres de la vieille basilique de Saint-Denis, avait mis le grand-aumônier à la tête du chapitre, qui ainsi n’était point soumis à l’autorité diocésaine. La restauration maintint par ordonnance ce qu’avait établi l’empereur par un décret. Le gouvernement de 1830 se propose de donner aujourd’hui à l’organisation du chapitre de Saint-Denis la sanction législative ; il s’adresse aux chambres pour l’exempter de la juridiction de l’archevêque de Paris. On sait que l’un des articles organiques du concordat abolit tout privilège portant exemption ; l’autorité législative peut seule autoriser les rares exemptions que réclament certaines convenances. La cour de Rome, sur la demande du gouvernement, a donné, en 1843, une bulle qui constitue canoniquement le chapitre ; la bulle a été publiée après l’examen du conseil d’état et avec toutes les réserves protectrices des libertés de l’église gallicane. Il appartient maintenant à l’autorité législative de régulariser la fondation. La chambre des pairs a voté le projet après des débats assez longs qui ont été parfois remarquables et piquans. Les orateurs ont pu puiser dans le savant rapport de M. le comte Portalis tous les élémens de la discussion. Dans cette matière, on attendait avec curiosité l’opinion de. M. le comte de Montalembert, qui s’est donné le malicieux plaisir de soutenir le projet du gouvernement au point de vue de l’ultramontanisme le plus pur. Ingénieux et paradoxal, M. de Montalembert a fait de son discours une sorte d’oraison funèbre des libertés gallicanes. C’était plutôt un jeu d’esprit qu’une argumentation sérieuse. C’est ce qu’a fort nettement démontré M. le garde-des-sceaux, qui, avant de répondre à M. de Montalembert, avait déjà exposé à la chambre les principales raisons qui avaient déterminé le gouvernement à lui présenter le projet de loi. La parole de M. Hébert est simple et ferme et va droit aux difficultés. L’église gallicane n’est ni morte ni enterrée, a répliqué M. le garde-des-sceaux, et l’ultramontanisme ne triomphe pas, puisque le pape n’intervient que pour la juridiction spirituelle, puisque sa bulle n’est publiée dans le royaume qu’avec toutes les réserves inspirées par les maximes de notre droit publié. – Nous ajouterons que la garantie constitutionnelle de l’intervention législative doit rassurer tous les esprits. Aussi nous ne saurions partager les appréhensions spirituellement exprimées par M. le comte de Saint-Priest, et nous avouons, qu’au grand jour de la tribune et des chambres, nous ne craignons point l’ultramontanisme. Il y a trop d’yeux ouverts pour le dénoncer, s’il voulait se glisser dans nos lois.

En passant aux affaires extérieures, nous éprouvons quelque embarras à parler de l’Espagne. Pour donner une idée des misères qui occupent la Péninsule, ce ne sont plus les hommes et les partis politiques qu’il faudrait peindre, mais des scènes et des scandales de palais. Nous ne savons rien de plus triste. L’Espagne serait-elle donc destinée à revoir ces mauvais jours où la dignité de la couronne et du pouvoir était si gravement compromise par Charles IV, son indigne compagne et son favori ? Nous ne saurions le penser. Tout ce qui a été fait, entrepris depuis quinze ans pour la cause de la monarchie et des institutions constitution-