Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/941

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de 6 à 7 pour 100 au moins. Si l’entreprise ne peut pas donner le bénéfice promis, il est juste d’améliorer le cahier des charges ; en revanche, si des chances imprévues constituaient plus tard un monopole abusif, il y aurait lieu à remanier les tarifs dans un sens favorable au public. En admettant ces principes, la solution doit sortir naturellement du simple examen des faits.

Les deux lignes qui courent de Paris à Avignon ayant été étudiées par une même commission, les frais de leur établissement furent calculés sur les mêmes bases. Les dépenses de la section avignonnaise ayant été portées à 317,347 fr. par kilomètre, nombre qui, multiplié par 233, donnait environ 75 millions, on crut satisfaire aux lois de la prudence en recommandant aux compagnies soumissionnaires d’élever leur fonds social à 80 millions. Dans ces limites, les bénéfices entrevus étaient assez beaux pour qu’on imposât aux adjudicataires l’obligation d’établir un embranchement onéreux. La ligne de Grenoble par Saint-Rambert, construite à simple voie sur une longueur de 90 kilomètres, devait engloutir 26 millions, dont on attendait, moins de 3 pour 100 : mais, disait-on, en confondant cette construction accessoire avec l’œuvre principale, il n’en résultera qu’un abaissement de 1 pour 100 sur les bénéfices généraux de l’entreprise. Soit que les adjudicataires eussent reconnu l’insuffisance des devis officiels, soit que le besoin de satisfaire les innombrables prétendans de seize compagnies fusionnées aient provoqué la multiplication des titres, soit enfin qu’on voulût avoir des ressources disponibles pour accaparer la navigation du Rhône et monopoliser tous les transports de la contrée, le fonds social fut porté à 150 millions. Ainsi fut réalisée dès l’origine cette augmentation d’environ 50 pour 100 dont la compagnie de Paris à Lyon proclame la nécessité aujourd’hui. Mais ces mesures n’eurent d’autre effet que d’effrayer les petits porteurs d’actions. En comparant le chiffre du capital ainsi augmenté au produit net de 6,600,000 fr. annoncé par l’état, on calcula que le revenu probable dépasserait à peine 4 pour 100. On apprit en même temps que les bateliers du Rhône, au lieu de se laisser neutraliser, provoquaient des inventions mécaniques pour soutenir la concurrence des voies ferrées. Enfin, en appliquant à la ligne d’Avignon les calculs produits par M. l’ingénieur Jullien, on craignit de voir grossir le compte des dépenses. Cette situation explique et justifie la frayeur des petits spéculateurs, qui sont incapables de descendre dans les détails d’une opération. Nulle contagion n’est plus rapide que celle de la peur dans le monde financier : c’est un mal très réel, très dangereux, qui exige un remède héroïque, la bonne foi. Des engagemens ont été souscrits, un premier versement a été fait sur la promesse, autorisée par l’état, d’un revenu d’au moins 6 pour 100. Il faut modifier la lettre du contrat, de manière à en conserver l’esprit. La suppression absolue de l’embranchement de Grenoble nous semble désirable, ne dût-elle avoir pour effet que de réduire d’une trentaine de millions au moins le poids des valeurs offertes qui écrasent la place. Abaissé à 120 millions, le fonds de la ligne principale fournissant 520,000 fr. par kilomètre, laisserait, suivant les probabilités, un excédant applicable aux besoins imprévus. En ajoutant à la recette de 6 millions annoncée par l’état le produit non compté des bagages, des bestiaux et dès voitures, on atteindrait, selon nous, un chiffre peu inférieur à 7 millions. Si le terme de jouissance était prolongé jusqu’à soixante-quinze ans, selon la requête des actionnaires, il suffirait d’un amortissement d’environ 25 cent. par, 100 fr. À ce compte, la