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et alors c’est un bien grave reproche qu’on lui adresse ; ou bien ou essaie de l’y contraindre, et, dans ce cas, on assume une bien lourde responsabilité.

Admettons que la nécessité de réduire les dépenses publiques soit parfaitement établie. Pourquoi s’attaque-t-on de préférence aux travaux extraordinaires ? Il serait bon que l’on fît connaître au nom de quelles convenances et de quel principe on frappe avec cette prédilection les dépenses productives. Accordons que, depuis quelques années, il eût été bien qu’on mît plus de scrupule à autoriser les accroissemens de dépenses. Est-ce que c’est en faveur des travaux publics seulement qu’il y a eu des prodigalités ? est-ce même sur ce point qu’on s’est réellement montré prodigue ? Je vois qu’on met en bon état nos routes royales, qu’on achève une portion seulement de nos canaux, qu’on améliore nos principaux ports de mer, qui étaient trop resserrés et dont les dispositions étaient défectueuses. A l’égard des chemins de fer, qui de tous les chapitres du budget des travaux publics formaient le plus lourd, on a rejeté sur l’industrie privée la majeure partie du fardeau. S’il est vrai qu’on se soit trop pressé de commencer l’amélioration de quelques ports secondaires, la dépense en est bornée ; ce n’est pas ce qui charge le budget. Dans nos dépenses en travaux publics donc, je ne vois rien qu’on doive regretter. Ce sont toutes dépenses qui tourneront à la prospérité du pays. Qui voudrait en dire autant de tous les autres chapitres du budget ?

Depuis une dizaine d’années, nos dépenses militaires sur terre et sur mer ont pris un développement excessif. Je trouve dans des notes qu’a bien voulu me communiquer l’illustre et vénérable comte Mollien, ancien ministre du trésor, que dans les trois années qui suivirent la rupture de la paix d’Amiens et se terminèrent à Austerlitz, pendant une période où tout l’effort du gouvernement était dirigé vers la guerre, où, pour relever la marine afin qu’elle pût affronter Nelson, on faisait tous les sacrifices imaginables, la dépense du ministère de la guerre avait été de 809 millions, celle du ministère de la marine de 440. C’est en moyenne par année 270 millions à la guerre, et 146 à la marine. Nous qui avons adopté une politique diamétralement contraire à celle de Napoléon, qui avons le système de la paix, qui demandons à la paix notre force et notre lustre, dont le titre à l’estime de la postérité sera d’avoir sauvé la paix de toutes les embûches, de tous les guets-apens qu’on avait dressés contre elle, nous avons de plus fortes dépenses militaires que le gouvernement de Napoléon ! Quant au ministère de la guerre, nous sommes à cent millions de plus. Il semble qu’on épie toutes les occasions de le grossir. Du côté de la mer, nous avions eu le bon esprit, pendant les premières années qui suivirent 1830, de ne pas