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On se réserverait cependant la faculté d’extension successive par ordonnance ; on craint que l’avilissement des prix ne suive tout à coup l’excessive cherté de cette année. Avant d’essayer d’apprécier cette crainte en tant que sentiment politique, tâchons de savoir exactement ce qu’elle vaut comme prévision administrative ; examinons jusqu’à quel point il serait possible que, dans les circonstances où nous sommes, les grains baissassent subitement, par le cours naturel des choses, après la récolte. Consultons l’histoire des disettes précédentes.

Nous avons eu de ces tristes visitations de la Providence plusieurs fois déjà depuis le commencement du siècle, en 1811-12, en 1816-17. A chaque fois, on peut voir que le blé est demeuré cher même après la récolte suivante, qui s’est trouvée bonne. En 1811, mauvaise récolte : l’effet s’en fait sentir aussitôt ; le prix moyen de 1811 est élevé, la statistique officielle le fixe à 26 fr. 13 cent. En 1812 ; la récolte est au-delà de l’ordinaire le prix moyen est cependant de 34 francs 34 centimes pour la France entière, et le prix même de 1813 est encore haut : il est de 22 fr. 51 cent., tandis que les trois années qui avaient précédé la crise avaient vu le blé à 16 fr. 54 cent. (1808), 44 fr. 86 cent. (1809), 19 fr. 61 cent. (1810), et, en 1814, il retombe à 17 fr. 73 cent. En 1816, la récolte est détestable : le prix moyen de l’année est de 28 fr. 31 cent. L’année suivante, qui fut comme toujours le moment de la grande souffrance, le prix moyen fut de 36 fr. 16 cent. En 1818, malgré les ressources qu’avait données la moisson de 1817, il fut de 24 fr. 65 cent., et c’est seulement en 1819 qu’il retombe à un taux modique, 18 francs 42 cent. Dans l’une et l’autre de ces crises, les blés de la récolte postérieure à celle qui avait causé la disette se sont vendus cher malgré la liberté du commerce des grains, dont on jouissait alors, et qui, en 1817 et en 1818 du moins, fut complète par terre et par mer, tandis qu’en 1813 la France avait ses ports bloqués, et même, à la fin de l’année, ses frontières de terre fermées par la guerre. Si l’on veut acquérir la preuve de la lenteur avec laquelle la nouvelle récolte fait sentir son influence modératrice des prix élevés, empruntons à la statistique officielle les cotes successives mois par mois. Pour 1812, les Archives Statistiques ne donnent rien ; mais, pour 1813, leur indication est complète-, et elle est concluante. En janvier 1813 ; malgré la récolte favorable de 1812, le blé est encore au taux excessif de 29 fr. 65 cent. Il descend les mois suivans, mais peu à peu. La cote officielle est comme il suit :


Février 28 fr. 94, cent. Mai 24 fr.. » cent.
Mars 26 fr. 92 cent. Juin 21 fr. 58 cent.
Avril 25 fr. 13 cent.

En juin 1813, malgré les apparences d’une très bonne récolte, le blé