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fortuite la fit monter à 27,137 têtes. En outre, il entrait un nombre de vaches à peu près égal à celui des bœufs, et 10 à 12,000 veaux. Pour se faire une idée de ce que signifie cette importation, il suffit de se rappeler que la seule ville de Paris consommait, en 1821, 73,428 bœufs, 7,727 vaches et 70,081 veaux. En échange, nous donnions nos vins, les produits de notre industrie manufacturière, nos incomparables articles de goût. C’était une bonne division du travail : chacun faisait ce que comportait son climat, son territoire, son aptitude ; les besoins de tous étaient satisfaits. Cet état de choses se recommandait par les meilleures raisons de politique intérieure et extérieure. Quand nous avons eu fermé la porte à leur bétail, nos voisins, par représailles, ont mis des droits prohibitifs sur nos vins, sur nos produits fabriqués. Ils ont élevé eux-mêmes des manufactures, ou se sont associés à des états manufacturiers ; ils ont eu ainsi à desservir des agglomérations de populations non agricoles, qui ont consommé plus que le bétail jusqu’alors destiné à la France. Nos lois de douane restrictives de 1821 et 1822 ont eu pour résultat de provoquer l’agrandissement du Zollverein, de le faire arriver jusqu’à nos frontières tout le long du Rhin, et même sur la rive gauche du fleuve, où il s’étend sur les provinces rhénanes de la Bavière et dans le Luxembourg, tout comme dans les provinces prussiennes. Elles ont enchéri la vie à un degré vexatoire à Strasbourg, à Lyon et dans les départemens voisins des Alpes. Aujourd’hui, lors même que nous abaisserions complètement la barrière des douanes pour laisser entrer sans droits le bétail de l’étranger, les contrées de la rive droite du Rhin et la Suisse ne pourraient nous livrer beaucoup de bétail, ni nous le donner au même prix. Elles ont pris l’habitude de consommer elles-mêmes ou ont trouvé d’autres acheteurs mieux à leur convenance. La population et l’aisance moyenne se sont accrues dans une plus forte proportion que les existences en bétail. Sur plusieurs points, la production a diminué, dans les montagnes de la Suisse, par exemple, ainsi que l’a constaté M. Moll dans un voyage qu’il a fait par ordre de M. le ministre du commerce. Le défrichement ou le morcellement du sol ont provoqué cette diminution. En somme, le prix du bétail diffère peu aujourd’hui, dans les pays qui nous environnent, du prix habituel de la France. M. Moll, en 1842, évaluait la différence à un cinquième ou un sixième à peine[1] ; depuis le voyage de M. Moll, le nivellement s’est continué. La libre introduction du bétail ne bouleverserait donc pas les prix de vente sur nos marchés, elle n’aurait même aucun effet sur la plupart des quatre-vingt-six départemens ; mais l’Alsace, Lyon, la Provence surtout, qui est la plus maltraitée, éprouveraient un soulagement. Pour cet article de consommation, notre principale ressource

  1. Journal d’Agriculture pratique, mai 1842.