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du grain sans pouvoir jamais avilir les prix. Dès qu’une hausse se prononcerait, ils en profiteraient pour écouler plus de grains ; par conséquent, leur intervention aurait pour effet de la modérer.

Ces faits s’appliquent à plus forte raison aux grains des espèces inférieures ; mais, à l’exception du maïs, l’Amérique en produit peu. L’alimentation de l’homme y roule, en fait de céréales, sur le blé ou froment et le maïs. On ne récolte en seigle que le cinquième du froment, et en orge que le quart du seigle, et cette orge sert pour le bétail ou pour la fabrication de la bière. En sarrasin, la récolte ne monte qu’au douzième du blé. Chez nous, le seigle avec le méteil représente en hectolitres plus de la moitié du froment, l’orge à peu près la moitié du seigle et du méteil, et le sarrasin le huitième environ du blé. Le seigle, l’orge, le sarrasin, ne figurent pas dans les exportations des États-Unis. Il n’en est pas de même du maïs. Ce grain, qui s’adapte admirablement au climat du Nouveau-Monde et qui y est indigène, donne aux États-Unis une récolte qu’on peut en ce moment évaluer à 200 millions d’hectolitres. Cependant, à cause des frais de transport qui, étant les mêmes pour toute espèce de grains, grèvent dans une plus forte proportion les grains inférieurs, la Nouvelle-Orléans, où le maïs abondera prodigieusement dès qu’on le voudra, aurait en temps ordinaire beaucoup de peine à nous en fournir au prix de nos marchés : je raisonne toujours dans l’hypothèse de l’abolition des droits d’entrée. Les circonstances où l’on a vu le maïs à vil prix dans cette métropole étaient accidentelles ; il y avait grand encombrement du produit et peu de débouchés. Habituellement, sous le régime de la liberté commerciale, les Américains nous expédieront leur maïs sous une autre forme beaucoup plus avantageuse pour eux et pour nous-mêmes. Ils en feront de la viande qu’ils saleront pour nous, comme ils le font déjà pour d’autres peuples. La viande ayant une valeur triple du blé, et bien plus forte encore relativement au maïs, il lui est plus facile de supporter des frais de transport. Nous pourrons ainsi nous procurer les denrées animales qui nous manquent à un degré si déplorable. C’est un important service que nous avons à attendre des Américains, et par là devront s’organiser de grands échanges lorsque nous leur aurons donné le temps de s’y préparer. L’Angleterre en ressent le bienfait maintenant. L’importation des viandes salées, qui avait été, en 1844, de 5,200 quintaux métriques, et en 1845, de 4,500, est montée à 133,000, en 1846, où cependant le régime de la liberté n’a été en vigueur que pendant les six derniers mois. Que ne sera-ce pas lorsque les éleveurs de l’Ohio, de l’Indiana et du Michigan auront pu organiser leur production en vue de la consommation britannique ! Les pays neufs où les terrains disponibles sont presque sans limites se prêtent admirablement à l’élève du bétail ; on peut y développer presque indéfiniment cette