Page:Revue des Deux Mondes - 1847 - tome 18.djvu/894

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remplis de sève et de vigueur, la production en froment augmente toujours. Elle était de 6,200,000 hectolitres en 1790. Dix ans après, elle était passée à 8,000,000. A la fin des périodes décennales suivantes, elle était de 11 millions, de 13, de 18. En 1840, elle s’élevait à 29 ; elle est aujourd’hui d’environ 40 millions. Les excédans exportés ne suivent pas, à beaucoup près, la même marche. C’est à peine s’ils croissent, absolument parlant ; comparativement à la récolte, ils vont donc en diminuant. Ils en représentaient les 28 centièmes en 1790 ; à l’expiration de la période décennale suivante, c’est 15 pour 100 ; dix ans après, on tombe à 12. En 1840, on est remonté à 14, parce que la récolte de 1839 avait été exceptionnellement abondante ; mais ensuite la proportion s’est abaissée à 7 et à 6 pour 100.

Il faut prendre en considération, lorsqu’on veut se rendre compte de la puissance d’exportation des États-Unis en froment, que ce n’est pas la totalité de ce vaste pays qui est propre à cette production. Il y a un demi-siècle que Washington en avait fait l’observation : dans une lettre à Arthur Young, écrite en 1791, il disait fort justement qu’au nord de l’état de New-York le climat était inhospitalier à cette graminée, dont cependant le tempérament est fort élastique, et que pareillement, au midi de la Virginie, le sol de la confédération ne se prêtait pas à cette culture, et s’en accommodait d’autant moins que l’on s’éloignait davantage de la zone tempérée. On ne cultive en effet le froment que très modérément par-delà les deux limites qu’il avait tracées, et qui répondent à 45 et à 35 degrés de latitude : c’est donc sur une largeur de 1,100 kilomètres seulement que la nature encourage l’homme à produire le froment aux États-Unis, et le pays occupe du midi au nord une étendue double. On a calculé que la portion du sol de l’Union dont les circonstances naturelles générales se prêtent à la culture du froment n’était pas du quart de la totalité[1]. Or, de plus en plus, au contraire, les populations veulent en consommer. C’est ainsi que, dans la Nouvelle-Angleterre, le froment prend sans cesse la place du maïs, dont une partie de la population se contentait autrefois. Si les Anglo-Américains en réclamaient tous la ration de 3 hectolitres environ, qui est celle des Français des villes, la production actuelle du pays ne leur suffirait guère qu’à moitié. Ils seraient même en déficit, s’ils prenaient la ration des Anglais proprement dite, qui est de 2 et demi.

En résumé, les États-Unis sont placés dans des conditions de culture sans pareilles ; des terres fertiles s’y offrent indéfiniment au premier occupant ; une population intrépide en même temps qu’ingénieuse au travail s’y multiplie avec une rapidité sans exemple, et l’on y voit accourir

  1. Mac-Gregor, Commercial Tariffs, etc. États-Unis, p. 584. – Citation de documens de Philadelphie.