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ministère, vicissitudes politiques auxquelles la population de Cuba restait plus étrangère que toute autre population espagnole, il semblait que l’île dût tout payer, tout subir, tout expier. C’est elle qui solda les troupes envoyées contre les carlistes ; le subside de guerre grève encore les produits de la colonie ; c’est elle qui servit d’hypothèque à tous les emprunts, à tous les marchés. Chaque nouvelle législature arrivait à Madrid, chargée des réclamations des agriculteurs, des négocians ou des marins espagnols ; tous les ans, c’étaient pour les malheureux Cubanes de nouvelles taxes, des impôts extraordinaires. Les sucres, les cafés, les tabacs, toutes les marchandises d’exportation, devenaient tour à tour l’objet d’une loi ou d’une taxe, d’un appendice ou d’un changement dans le tarif des douanes. En vain la junte directoriale de l’île prenait-elle sur elle de suspendre pendant six mois l’exécution des ordres de Madrid, afin de transmettre les résultats de ces intermittences de libre échange au gouvernement de la métropole, et de lui prouver en chiffres officiels que l’exemption de tous droits extraordinaires profitait plus à la marine, à l’agriculture de la colonie et au trésor de l’Espagne que la perception de ces mêmes droits[1]. Elle ne recueillait de sa bonne volonté que des réprimandes. Les députés ne voulaient rien entendre ; chaque année, ils proposaient de nouvelles lois fiscales et remettaient en question la richesse et l’existence même de la colonie.

En ce moment, on parle encore d’une pétition signée par les propriétaires des mines de charbon des Asturies, tendant à faire prohiber l’exportation du minerai de cuivre de l’île de Cuba pour toute autre destination que la Péninsule[2]. Le parlement de Madrid va bientôt être saisi de cette demande ; nous n’osons espérer que sa décision ne portera pas un nouveau coup à la prospérité de l’île. Cependant les houillères du nord de l’Espagne commencent à peine à être exploitées, les diverses qualités de leurs produits n’ont été qu’imparfaitement étudiées, et seulement au point de vue théorique ; nulle part n’existent ni chemins de fer ni canaux pour transporter les houilles sur les lieux où démarquerait le minerai. D’ailleurs, dans un pays où les choses sont encore aussi peu stables, où l’industrie commence à peine à être connue, est-il opportun de prendre des mesures qui n’auraient d’autre résultat que d’interrompre les travaux des mines de la colonie, et de priver pour un long temps le commerce cubane et les finances espagnoles des sommes énormes que cette exploitation leur livre chaque année ? Nous le répétons,

  1. Une expérience de ce genre, en 1844, donna pour résultat une augmentation de 1,460 tonneaux dans l’exportation par navires espagnols, et de 10,074 par bâtimens étrangers. C’était pour le pavillon national 4 pour 100, et pour les pavillons étrangers 12 pour 100 d’augmentation sur l’année précédente.
  2. Jusqu’ici le minerai de cuivre de Cuba s’est exporté en Angleterre. L’exportation annuelle se monte à 40,000 tonneaux.