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pain provenant des États-Unis de préférence à celui qui venait de leurs corps, rien de plus simple ; mais ce point de vue étroit ne devait point être celui du gouvernement, qui, au lieu d’agir dans l’intérêt de quelques propriétaires, devait agir dans l’intérêt général et concilier tous les droits. Par malheur, l’égoïsme des hommes d’état espagnols ne le cédait en rien à celui des producteurs de farines. Le gouvernement voulait, lui aussi, augmenter ses revenus, et, tout en ayant l’air de faire droit aux réclamations des provinces agricoles, il ne consulta réellement que sa cupidité.

Ce n’est pas que la législation de 1818 eût entièrement destitué de protection les produits de l’agriculture espagnole. Tout en donnant libre entrée dans les ports de Cuba aux marchandises des autres nations, quelles qu’en fussent la nature et la provenance, la loi avait fait une exception pour les farines étrangères, qu’elle frappait d’un droit élevé, destiné à protéger les farines nationales ; mais l’éloignement de la Péninsule, le défaut de communications faciles des provinces agricoles à la mer, le peu de développement de la marine marchande espagnole, et la cherté de ses transports avaient rendu cette mesure illusoire : les farines des États-Unis n’en continuaient pas moins, malgré ce droit, à jouir dans la colonie d’une préférence marquée. Les tableaux de la douane sur cet article représentent, par le chiffre de 71,000 barils, l’importation des États-Unis pour 1826, tandis que l’importation espagnole ne s’élève pas au-dessus de 36,000, c’est-à-dire à la moitié. Encore ne faut-il pas comprendre dans le premier chiffre les barils importés par contrebande sur les côtes de l’île, qu’il n’est pas permis d’estimer à moins de 20,000. L’occasion était belle pour le gouvernement de réaliser les rêves de sa cupidité en paraissant prendre la défense des intérêts de l’agriculture nationale. On éleva le droit protecteur des farines espagnoles. Qu’arriva-t-il alors ? Comme on n’avait stipulé de droit différentiel que sur la marchandise et non point sur les pavillons, les commerçans de l’Union, ne trouvant plus autant d’avantage à introduire leurs propres farines, envoyèrent leurs navires charger à Santander et à la Corogne des farines espagnoles ; leur concurrence fit naturellement baisser le prix des transports entre ces ports et la colonie, et cette baisse tourna tout entière au bénéfice de la marine américaine. Le pavillon de la Péninsule désapprit tellement le chemin de l’île de Cuba, que, durant l’année 1828, sur 86,000 barils de farine importés d’Espagne, 83,000 le furent par des bâtimens américains, 3,000 seulement, par des nationaux. En 1829, la proportion, quoique moins défavorable au pavillon espagnol, n’en fut pas beaucoup plus rassurante. Les navires étrangers transportèrent 76,000 barils, la marine de la Péninsule 14,000 seulement.

Ainsi l’augmentation du droit différentiel sur les farines parut d’abord